On appréciera deux éclaircies dans l’univers bien terne de la Politique de la ville, traduction institutionnelle de la question des banlieues : d’une part son rattachement à un ministère qualifié tout ensemble de « Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires », ce qui pourrait avoir d’immenses conséquences si ceux qui l’animent exploitaient ce lien dans toutes ses dimensions ; et d’autre part, la nomination d’Olivier Klein comme ministre délégué, puisqu’il est le maire de Clichy-sous-bois, ville qui fut une sorte de capitale des banlieues pendant de longues années après les émeutes de 2005, qui y éclatèrent.

On ne pourra qu’espérer que la trajectoire de celui-ci, comparable à celle d’autres personnalités communistes telles que Robert Hue ou Patrick Braouezec, passés du Pcf au soutien à Macron, ne se termine pas de manière aussi vaporeuse que celle de ces derniers. Difficulté : la Politique de la ville est aujourd’hui elle-même rendue à l’état gazeux, si ce n’est spectral. Dernièrement, on l’a officiellement auréolée de bien bonnes intentions : prioriser les acteurs de proximité aux dépends des grandes structures hors-sol ; faire circuler l’information institutionnelle via des acteurs des quartiers, etc… Las ! Elle a sombré dans l’impuissance, initialement handicapée par l’acte fondateur de la Politique de la ville macronienne, qui est une sorte de crime originel à la Brutus, consistant en la mise à mort symbolique de son opérateur le plus illustre, Jean-Louis Borloo, jeté en pâture, en pleins salons de l’Elysée, à un public pléthorique et dubitatif, composé de souvent jeunes acteurs des quartiers -par ailleurs implicitement présentés par le président de la République comme « non-Blancs », cad sans doute « crédibles » sur le sujet…

Une stratégie de la punchline masquant une politique classiquement libérale

Que pouvait-il naître d’un tel acte ? Celui qui en était indirectement l’artisan, l’autoproclamé « ingérable » Yacine Belattar, avait été choisi comme conseiller officieux par un jeune Président initialement plein d’entrain à l’égard des banlieues (confèrent le lancement de sa campagne à Bobigny en 2017, précédé par son engagement tout aussi fondateur dans l’événement « Osons la banlieue » à Pantin, en 2015). Mais viscéralement étranger à ce sujet, le Président avait sans doute caressé l’espoir que non content de lui souffler à l’oreille les punchlines bien senties dont il a le secret, cet artiste pourrait organiser une concertation au long cours sur les banlieues, en créant un incertain Conseil présidentiel des villes. S’étant de lui-même consumé au cours du mandat macronien du fait de son caractère incandescent, l’artiste-conseiller haut en couleurs a par ailleurs consumé le Conseil créé par la présidence pour le guider dans ses choix à l’égard des « banlieues ». Cet outil s’est révélé débile (au sens premier du terme, c.a.d faible ; sans colonne vertébrale), car aussi immature politiquement que son objet, les banlieues, et constitué d’un aréopage d’acteurs remarquables, mais sans liant faute de culture politique et d’engagements communs (on n’ose même pas parler d’idéologie commune). Autre difficulté congénitale : il semble que son cahier des charges soit resté approximatif, autant que sa structuration et son animation, hiératiques, révélant que l’attention de M. Macron pour les banlieues relève plus d’une intuition tactique que d’une stratégie politique pourvue d’un agenda précis. Intuition avant tout basée sur un « narratif », lui-même incarné par Uber, entreprise ouvertement considérée comme une alternative à la vente de drogue pour les « jeunes des banlieues »... C’est-à-dire qu’on a prêté un objectif « social » à un système (un « business model ») reposant sur l’exploitation de la misère, sur l’évasion fiscale (pardon, « l’optimisation fiscale ») et sur le mensonge. Bref, sur la collusion entre haute politique et grande entreprise, si ce n’est sur la corruption (au moins morale) et sur l’affaiblissement systémique de l’État, Etat que les élus sont pourtant sensés représenter et défendre.

Conséquence : pour beaucoup de ceux qui en banlieue ont de bonne foi suivi le chemin de la méritocratie macronienne, c’est les « Illusions perdues ». La leçon ne peut être que cruelle, à l’instar de celle enseignée au Lucien de Rubempré de Balzac : dans un monde où tout est marchandise, on ne peut que devenir un vendu, ou disparaître.
Qui plus est, au-delà des difficultés personnelles endurées par tel ou tel, la leçon pour l’ensemble de la société n’est pas moins cruelle : on ne fait pas une politique à coup de fulgurances, a fortiori une politique de la ville : rappelons tout de même que la République est obsédée par le fantôme des banlieues depuis le 21 avril 2002 (premier tour de l’élection présidentielle, où apparaît le cauchemardesque duel Le Pen versus Chirac), et que depuis lors les élections présidentielles se sont largement jouées, même en creux, autour de cette question.

Des banlieues dématérialisées ?

Mais remplacer un père fondateur de la politique de la ville, fut-il vieillissant, et son rapport, fût-il caduc (1), par rien, ouvre la porte à tous les errements : on sait que le « rien » doit toujours être rempli par quelque chose, et souvent même n’importe quoi. Naguère, un autre artiste, Rachid Santaki, avait proclamé que les banlieues étaient en voie de dématérialisation. Cette saillie pleine de lucidité répondait à un trait dominant de l’économie, tirée par une bulle numérique, ébauche de Métavers, une économie absurde qui croit que pour survivre dans un mode dominé par le réchauffement climatique et bientôt par les dictateurs, on peut remplacer des maçons, des infirmières, des professeurs, des cheminots et encore plus des paysans, par leurs avatars digitaux. Le fameux proverbe amérindien tant de fois cité par les écologistes doit à nouveau être paraphrasé (2) : pas plus qu’on ne mange de l’argent, on ne se nourrit de bitcoins ou de datas.

Car oui, la matérialité des gens qui habitent les banlieues, elle, existe plus que jamais. Aujourd’hui fantomatique, tout comme l’est cette politique qui visait à la soutenir, la banlieue devra s’imposer comme naguère, par effraction s’il le faut. Hier hélas, elle s’est imposée par des actes politiques (comme la Marche pour l’Egalité de 1983) ; puis, cette dernière s’étant avérée sans lendemain, elle s’est imposée par des faits-divers (l’insécurité) ; puis par des faits émeutiers (violences urbaines (3)) ; et enfin par des faits religieux (terrorisme islamiste). Cette sans cesse plus fracassante matérialité se rappellera toujours au bon souvenir de la société qui feint de ne pas la voir. Quelle sera la prochaine étape, dans cette spirale vers le chaos imposée par un déni persistant ? L’intervention militaire, telle que la prône implicitement le réalisateur Cédric Jimenez dans son film « Bac nord », ou telle que la réclament ces carterons de plus en plus pléthorique de généraux d’active ? La guerre civile, telle que la fomente tel polémiste  ?

Une autre voie est pourtant possible

Mais après avoir pratiqué la Politique de la ville de la terre brûlé, et avoir été galvanisés par ce qui ne peut être qu’un pis-aller (l’entrepreneuriat pour tous, fondé sur le « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires » de Macron, aussi improbable que le« Enrichissez-vous » de Guizot cent-cinquante ans plus tôt), le Président et son entourage ne sont plus capables de discerner d’autre voie. Car pour cela, comme à l’époque de Gébé et Doillon, dans ce fameux « An 01 », il faudrait « s’arrêter et réfléchir ». Par exemple pour esquisser un G20 des quartiers, un syndicat constitué d’acteurs de terrain, et le rendre indépendant de toute institution officielle. Le former comme une Convention climat. Qu’il se confie lui-même des objectifs clairs, précis, sur les grandes politiques de droit commun (et non sur une politique sectorielle, comme cet ersatz de politique qu’est la politique de la ville, sorte de fausse couche de la grande réforme sociale énoncée à son lancement par Mitterrand au discours de Bron en 1989). Et surtout, ne pas le trahir, comme l’a été la Convention citoyenne. Mais qui en a aujourd’hui la force ?

Erwan Ruty, directeur du Médialab93, auteur de « Une histoire des banlieues françaises ».

1- Véritable document « frankenstein », le « Rapport Borloo » était une compilation hâtive de propositions hétéroclites mais, il aurait permis à la société civile des banlieues de se mobiliser et de constituer une base de discussion à long terme avec les décideurs.

2- « Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été péché, alors enfin nous saurons que l'argent ne se mange pas ».

3- Avec pour conséquence, l’état d’urgence. Rappelons Victor Hugo qui dans Les Misérables, fait écho à la préoccupation de toutes les forces socialistes révolutionnaires de son temps : « L’émeute raffermit les gouvernements qu’elle ne renverse pas. Elle éprouve l’armée ; elle concentre la bourgeoisie ; elle étire les muscles de la police ; elle constate la force de l’ossature sociale. C’est une gymnastique ; c’est presque de l’hygiène. Le pouvoir se porte mieux après une émeute comme l’homme après une friction ».

 

 

 

Pourquoi les parallèles ne convergent jamais

Le Médialab93 s’est constitué au moment de l’ascension du Président de la République, à partir d’une vision bien plus réaliste que celle d’Emmanuel Macron concernant la crise des banlieues, même si ce dernier avait eu comme nous l’intuition qu’une page nouvelle se tournait sur ces territoires : celle de l’éducation populaire ou du mouvement associatif à la papa. Cinq ans plus tard, l’avenir de l’un comme de l’autre semblent soumis à des trajectoires finalement divergentes. Là où le Président persiste dans son schizophrénique « en même temps » à propos des banlieues (ne rien dire sur les questions culturelles, tout miser sur la réussite individuelle via l’entrepreneuriat), Le Médialab93 lui se retrouve soumis aux contraintes auxquelles il était provisoirement parvenu à échapper, en s’installant aux Magasins généraux de Betc. Sa réussite n’aura-t-elle été qu’un feu de paille, alors qu’il était parvenu à être un des rares lieu de mixité sociale réelle et de formation d’une impressionnante cohorte de créatifs hyper-dynamiques, capable de tisser l’indispensable nouveau récit d’une société française enfin réconciliée avec elle-même ?

L’an 00 ( (2015-2016) : fondations communes

Quelques jour après les attentats, le 23 novembre 2015, à Pantin, lors de la rencontre « Osons la banlieue », notamment organisée par Saïd Hammouche (Mozaïk RH), le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, rencontre des pognées d’entrepreneurs et de créatifs issus des quartiers. Les premiers liens avec cette fraction dynamique des banlieues se tissent avec le futur Président de la République, autour de l’entrepreneuriat. C’est aussi là que les porteurs du projet de Médialab93 rencontrent ceux qui leur mettront le pied à l’étrier, les équipes des Magasins généraux de Betc (groupe Havas). Un an plus tard, le 16 novembre 2016, le candidat Emmanuel Macron lance sa candidature à quelques kilomètres de là, à Bobigny, préfecture du « 93 », et à ce titre, pourrait-on dire, capitale administrative des banlieues. Quelques semaines plus tard, Le Médialab93 naît à son tour, à Pantin encore, monté par une équipe qui a écumé les banlieues et leurs médias pendant vingt ans. L’équipe du candidat Macron envisage d’y organiser la séquence « banlieues » de sa campagne.
La majorité des habitants des banlieues a voté pour Jean-Luc Mélenchon, pour son programme social. Mais incontestablement, Emmanuel Macron aura correspondu, en 2017, à l’attente d’une partie dynamique de la jeunesse des quartiers, qui voulait voir dans ce quadra, un jeune ambitieux capable de renverser la vapeur du train-train quotidien des décideurs se penchant sur les banlieues depuis trois décennies, train-train hésitant entre la vaine autant qu’hypocrite flatterie de la « diversité » et l’illisible autant que chétive « politique de la ville ». Malgré l’abîme social qui les séparait, la magie de la politique (et du verbe) a créé des convergences : dans les deux cas, une foi en la réussite individuelle et en l’entrepreneuriat comme véhicule pour participer pleinement à la société de consommation. Les Déterminés, Start-up banlieues, Nos quartiers ont du talent et tant d’autres jeunes structures éclosaient sur ce désir nouveau, devenu mantra. On tournait le dos au salariat, à ses contraintes et ses misères, on se rêvait entrepreneur de soi-même et petit patron maître chez soi, comme une fraction importante des couches populaires l’avaient toujours voulu, dès le XIXème siècle, à l’époque de la « boutique », de l’artisanat et même de la paysannerie. Fini l’industrie, fini les usines, les chaînes de montage, fini les Trente glorieuses, finie la classe ouvrière, finies les banlieues rouges, l’éducation populaire à la papa. Comme tout le monde ou presque, on allait enfin acheter une berline, un smartphone, si possible un pavillon, des vacances en Thaïlande, voire à Dubaï. On allait peut-être accéder à la classe moyenne (d’autant que celle-ci s’appauvrissait elle même, se rapprochant des moins pauvres des pauvres !).

L’An 01 (2017) : rêve et réalité

Le Médialab93 n’a jamais été porté par les chimères de l’entrepreneuriat pour tous. Son « Tribunal pour les générations futures » intitulé « Start-up nation : doit-on tous devenir entrepreneurs pour s’en sortir » ?, le disait quelques mois après son arrivée aux Magasins généraux de Pantin. Il a été monté par des acteurs oeuvrant à des missions éditoriales, d’éducation aux médias et d’événementiel, dans les banlieues depuis la fin des années 1990. A l’heure de la gratuité, des réseaux sociaux, voire de ce que nous avions appelé le « populisme numérique », nous étions conscients de l’impasse dans laquelle se trouvaient les médias implantés en banlieue (notamment au vu du « plafond de verre » auquel se cognait le Bondy blog, belle histoire post-émeutes de 2005 unanimement saluée par les élites, puis abandonnée à elle-même). Pour ne pas péricliter comme tant de nos confrères, il fallait oser. Se rapprocher des acteurs dominants de la communication (faute d’intérêt de la part de ceux des médias), pour créer de la mixité sociale, celle-là dont tout le monde parle mais que peu parviennent à réaliser. En s’installant aux Magasins généraux de Betc, à Pantin, territoire en voie de gentrification (c’est-à-dire encore mixte socialement), nous allions pendant trois ans, réaliser cette mixité en faisant se côtoyer des bobos et des banlieusards, à travers des dizaines d’événements, des espaces de travail à foison et des formations gratuites. Seul un tel lieu pouvait donner envie aux uns de côtoyer les autres, et donnait aux plus éloignés des lumières de la ville la possibilité de rayonner, de lancer leurs projets, de côtoyer une forme de réussite, en un lieu magnifique qui aiguillonnait leurs rêves et donnait chair à leurs envies. La réussite du projet fut exceptionnelle.

An 02 (2018) : la gifle

Mais tout comme le flirt d’Emmanuel Macron avec les banlieues avait brutalement pris fin avec la remise du rapport Borloo (ce rapport constitué de pièces hétéroclites, façon monstre de Frankenstein, sensé constituer le pendant social et humain de l’Anru), l’essoufflement du Médialab93 fit revenir la réalité comme un boomerang : personne ne nous ferait de cadeau, et les administrations qui nous avaient soutenu pour réaliser ce projet, avaient tout d’un coup décidé de nous chercher querelle, une fois le succès acquis, les bénéficiaires unanimement satisfaits et les objectifs largement remplis. Peu importaient les résultats, il fallait d’abord ployer devant les tableurs Excel, faire allégeance aux formulaires Cerfa et à la floraison d’appels à projets en ligne, bref se soumettre à l’alliance manifeste du libéralisme comptable le plus échevelé et de la technocratie la plus sourcilleuse. Et dans cette sainte alliance du New Public Management anglo-saxon et des cabinets de conseil grassement rémunérés par les décideurs, en lieu et place des pouvoirs publics, le politique, fût-il convaincu du bien fondé de notre action, ne pouvait faire le poids : impuissant comme le sénateur François Cornut-Gentille (1). l’a si brillamment expliqué, ce politique n’est plus de taille face ni face au privé, ni face à ses propres administrations, qui auront toujours le dernier mot et le lui rappellent à l’occasion, a fortiori quand il ne vient pas du même monde, celui de la politique ou encore mieux de la haute administration.
Là réside la vérité fondamentale du macronisme : un gouvernement des experts, fondamentalement ordo-libéral (oeuvrant à la privatisation des gains), qui pour survivre sait être généreux (en socialisant les dettes) en cas de crise grave, mais rêve de se structurer autour des fonctions régaliennes, dépouillant l’action public de son âme, de ses outils et de ses institutions pour les livrer aux lois du secteur privé, qui est l’horizon ultime de cette idéologie que l’essayiste Pierre Musso a si bien décrite (le « sarko-berlusconnisme » de « l’Etat-entreprise »). Tendance qui ira crescendo avec l’aggravation des crises (environnementales, sanitaires et sociales, voire guerrières) : les grandes firmes seront de plus en plus puissantes et guideront de fait l’action publique en lui imposant ses méthodes et ses valeurs, quand elles ne se substitueront pas purement et simplement à elle et l’État aura le devoir de les protéger, ainsi que les institutions, par la force, usant de moyens de plus en plus coercitifs, témoignant d’un inéluctable libéralisme autoritaire...
Véritable incarnation de la méritocratie macroniste et de la start-nation, son ministre du Numérique, Mounir Mahjoubi, ancien haut-cadre de chez Betc justement, se rendra à deux reprises au Médialab93 pour en rencontrer les résidents. La sauce ne prend pas : emblème de ce fossé qui sépare les deux mondes, l’incompréhension lors du dialogue engagé entre le ministre et certains résidents qui travaillent sur la question du contrôle au faciès (réalité à laquelle justement la macronnie voulait tourner le dos), bien que ceux-ci se soient formés en partie… aux Etats-Unis grâce aux fameux programmes boursiers qui s’oriente depuis le milieu des années 2000 vers les personnalités issues des minorités françaises.
Cinq ans plus tard, en avril 2022, pour le Président de la République, pour les banlieues, comme pour le Médialab93, c’est l’heure des comptes. Ces trajectoires qui auraient pu se mêler sont en fait restées des trajectoires parallèles, et elles n’ont rien produit. Cet échec est un symptôme.

An 03 (2019) : l’impuissance publique

Car entre le Président Macron et les banlieues, il y aura eu une désillusion réciproque. Son fondement : la jeunesse des quartier sait pour l’avoir vécu à ses dépens que pour les couches populaires, entrepreneuriat rime souvent avec ubérisation (cad précarisation et exploitation : moins de sécurité, moins de salaire et moins de protection sociale qu’avec le salariat, le tout couplé à une domination aussi puissante que cachée : vis-à-vis du client, et vis-à-vis de l’intermédiaire…). Mais aussi avec servitude (celle de « l’économie ancillaire » dont parle Jérôme Fourquet, enrôlant des dizaines de milliers d’auto-entrepreneurs pour servir, bientôt comme à l’époque féodale, des maîtres sis en leurs centre-ville : livreurs, serveurs, femmes et hommes de ménage, vigiles etc, etc). Les fondamentaux de l’économie internationale produisent du précariat dans les économies des pays développés.
Avec son « Conseil présidentiel pour les quartiers » (voulu, animé puis sabordé par son « conseiller banlieues », l’autoproclamé « ingérable » Yacine Bellatar), le Président s’est lui-même rendu compte qu’il ne pourrait rien faire. Mais que croyait-il faire de ce hochet, sans agenda, ni structuration ni boussole ? Réunir les gens autour d’une table suffit-il pour les mettre en situation de produire une action publique ?
Emmanuel Macron, en ne s’adressant qu’à une fraction de ses élites, n’a qu’effleuré la réalité profonde des banlieues, leur pente fatale depuis 40 ans : celle d’une lente ghettoïsation, faute de place et de fonction dans le nouveau système productif de la société de consommation et de loisirs, de l’économie tertiaire, si ce n’est hésitant entre marginalisation et subordination (le tout sans aucune forme de reconnaissance de ce statut minoré, contrairement à ce qui prévalait du temps des banlieues rouges et de la classe ouvrière, vues comme indispensables au bon fonctionnement de la société industrielle, voire comme à son avant-garde -d’où une immense fierté et dignité, une culture populaire autonome et la conscience de classe qui découlait de ce statut).
Cette ghettoïsation qui est aussi l’inéluctable revers du libéralisme économique (et culturel) états-unien et que dorénavant, à l’instar du reste de la société française, le Président ne peut regarder qu’impuissant, comme on regarde un western qui se termine mal, tel que nous le montrent les terrifiants « Misérables » (suite dégradée de l’encore ambivalent « La Haine ») ou pire, « Bac Nord ».

An 04 (2020) : de crise en crise, des banlieues dématérialisées

Une ghettoïsation à laquelle bien sûr échappent de nombreuses figures, ces « exceptions consolantes » qu’évoquait Ferdinand Buisson, père de l’école publique. L’une de ces exceptions, l’écrivain Rachid Santaki, l’un des premiers invités du Médialab93 en 2017, assurait naguère lui-même pourtant, lucide, que la banlieue était en voie de dématérialisation : dans une société où le numérique prend chaque jour le pas sur la réalité des difficultés quotidiennes, il convient de ne valoriser que des avatars de ces parcours de réussite, ou toute déconnexion de l’affaissement de plus en plus perceptible de tout un groupe social, géographiquement situé dans les banlieues de grands ensembles (autant que dans toutes les périphéries). La banlieue qui avait ébranlé l’ensemble de l’édifice social français en 2005 semble s’être évanouie. L’un des champions de cette décennie, le Bondy blog, symbole qu’un autre récit des banlieues était possible, n’est plus que l’ombre de ce qu’il fût dans le sillage de ces émeutes. Le terroriste islamiste, puis les Gilets jaunes ont éclipsé eux aussi la figure du jeune révolté de 2005. Et ensuite la crise sanitaire. Et enfin, la guerre en Ukraine. 2005 n’aurait-il donc été qu’une répétition en mode mineur des crises à venir ? Suivant encore l’exemple états-unien, le sort des banlieues majoritaires serait donc de sombrer lentement dans l’oubli, poussant d’un côté les plus en difficultés dans l’économie parallèle sur des territoires entiers et de l’autre côté les plus « méritants » sur la voie de l’excellence culturelle ou entrepreneuriale ?
Quant à ceux qui comme Le Médialab93 auront, seuls, tenté de joindre le social, l’économique et le culturel, ils auront pâti de l’originalité autant que de l’ambition de leur projet : l’État riscophile les aura soutenu pendant quelques années, parfois comme la corde soutient le pendu ; le monde de l’entreprise et des fondations privés, qui n’aime rien moins que de voler au secours de la réussite, les aura boudé. Economie mixte, mixité des publics, innovations sociales, culturelles et spatiales tous azimuts… Cet en-même temps-là n’aura pas convaincu la macronnie, à défaut de s’en plaindre, il faut le constater.

An 05 et + (2021-2022) : Le Médialab93, comme Emmanuel Macron, saura-t-il se réinventer ?

Quelles leçons tirer de ces trajectoires parallèles ?

1- Que dans les banlieues, la greffe entrepreneuriale est nécessaire, car les banlieues aussi ont besoin de leurs commerçants. Mais cette greffe est superficielle et insuffisante. Le poumon de ces territoires vit une autre réalité, massive : celle d’une nouvelle forme de subordination à l’égard des métropoles. Les travailleurs de ces territoires se précarisent. Ceux qui échappent à cette précarisation fuient pour, dans le meilleur des cas (grâce à l’Anru de JL Borloo), demeurer à la lisière des grands ensembles, ces derniers étant sans cesse plus soumis à l’économie parallèle (et parfois aussi à une culture parallèle).

2- Que la mixité est possible, notamment via les cultures urbaines, qui parlent à l’ensemble de la société française âgée de quinze à quarante ans, quel que soit la territoire, urbain, rural, métropolitain comme périphérique. Mais que pour demeurer dynamiques, ces cultures doivent à la fois demeurer une culture populaire, avec son autonomie, pour ne pas perdre leur capacité créative et émancipatrice, et se fondre dans le moule du mainstream et de la culture de masse.

En cela, les médialabs constituent un prototype de tiers-lieu innovant, territorialement implanté, socialement orienté, capable de tisser un récit original de la société française, à partir d’une action médiatique mais tout en menant de formes d’éducation et de formation renouvelées, de communication, d’événementiel, le tout avec l’appui des outils numériques.

3- Que les banlieues de grands ensembles sont à l’aune de l’ensemble des périphéries : elles peuvent compter sur leur « capital d’autochtonie », leur créativité, leur sens de la solidarité et sur cette fameuse « résilience », sur leurs capacités à réparer, recycler, rénover, réhabiliter, bref, fortes de leur bagage dans les formations professionnelles et techniques, elles peuvent aussi déployer l’ensemble du panel des métiers de la main dont une économie française a minima relocalisée a absolument besoin. L’écologie demande de la main d’oeuvre, plus que des techniques innovantes. Qui sera le coeur de cette main d’oeuvre, composée de paysans néo-ruraux, de petits fabricants et d’artisans, de petits commerçants présents sur l’ensemble du territoire (remplaçant les livreurs distribuant des produits fabriqués à l’autre bout du monde).

On pourrait ainsi penser que la nomination d’une ministre à la fois en charge de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires est de bon augure : il n’y aura pas de transition sans les périphéries en général (et les banlieues en particulier) et leurs habitants en seront les chevilles. Pour autant, ce ministère n’a bien entendu pas été conçu dans ce but. D’une part parce que la « Cohésion des territoires », qui a structurellement été sous-dotée, y compris en termes de réflexion, de cadres et de compétences, sera très certainement écrasée par l’enjeu écologique. Ces territoires sont vus comme des zones à surveiller comme le lait sur le feu, par peur d’une répétition des phénomènes émeutiers. Pas comme des piliers d’un renouveau économique. Dans ce schéma, les banlieues restent pour partie les surnuméraires (inutiles) et pour autre partie les serviteurs (les domestiques) d’une société de consommation globalisée, inégalitaire, vaguement verdie.

Que d’occasions auront été manquées, alors que ces territoires sont les indispensables ressources de la transition écologique : foncier disponible gigantesque, peu onéreux et à proximité des grands centres de consommation, soit l’idéal pour des activités à relocaliser ; jeunesse dynamique et créative, soit l’idéal pour une économie locale qui a besoin de petits et moyennes entreprises pour faire vivre ses territoires et appuyer les grands champions économiques ; compétences inutilisées dans les métiers de la main et de la réparation, soit l’idéal pour une nouvelle économie des biens réparables… Demain, la France de la transition écologique aura à nouveau besoin de ses banlieues. Mais qui le sait ?

Erwan Ruty, directeur du Médialab93

(1) - Auteur par ailleurs d’un détonnant et remarqué rapport sur les échecs de l’action publique en Seine-Saint-Denis

Nous, les jeunes de la « Rive marginalisée et exclue », suite à l’exclusion de 27 jeunes représentant.e.s d’Associations marocaines de la Société Civile membres du Programme « Jeunes des 2 Rives – J2R », par le refus des autorités françaises de leur accorder un visa d’entrée sur le sol français, les empêchant ainsi de participer à la rencontre transnationale tenue à Marseille entre le 6 et le 8 mai 2022,

• Ces jeunes qui ont été invité.e.s et qui étaient censés participer à la rencontre tenue sur la rive de « l’EL Dorado »
• Ceux.celles qui ont travaillé durant ces dernières années sur les thématiques qui vont être traitées à cette actuelle rencontre avec les jeunes tunisiens et français adhérent.e.s au Programme
• Ces jeunes qui ont accueilli des jeunes tunisiens et français à la rencontre transnationale tenue à Agadir (Maroc) du 15 au 19 janvier 2020 avec la présence des partenaires institutionnels
• Ceux.celles qui ont accueilli les Associations Partenaires dans le cadre d’ateliers solidaires et bénévoles, de formations et de Projets artistiques et créatifs,
• Ils.elles ont accueilli et travaillé avec des catégories précaires pour le triomphe des valeurs du vivre ensemble,
• Ceux.celles qui ont concrétisé et réaffirmé leur attachement aux valeurs de la beauté, de l’ouverture et de la tolérance,
• Ces jeunes qui ont fournis de gros efforts et supporté les contraintes du voyage, venant des contrées lointaines pour déposer leurs dossiers et tous les documents nécessaires en vue de l’obtention du visa
• Ceux.celles qui, avec leurs partenaires français et tunisiens, ont contribué à construire les ponts de communication et de co-construction avant d’être frappés par ce mur dressé par les autorités consulaires qui n’ont aucunement pris en compte les dossiers fournis, ni notre adhésion collective à la dynamique qui unit les deux rives de la Méditerranée
• Ceux.celles qui ont été frustré.e.s d’assister à la rencontre transnationale avec le reste des participant.e.s de France et de Tunisie,
• Ils.elles ont été informé.e.s par le Consulat que les motifs de leur voyage ne sont pas clairs et qu’ils.elles n’ont pas fourni assez de garanties prouvant leur intention de regagner leur pays en dépit du fait que la plupart d’entre eux.elles se sont rendu.e.s ou se sont installé.e.s auparavant en France.

Finalement, nous avons été empêchés d’assister avec les autres participant.e.s de France et de Tunisie à la rencontre transnationale de Marseille.

Nous dénonçons fermement l’injustice et l’exclusion qui nous a été imposées par les autorités consulaires françaises au Maroc et la spoliation de nos droits les plus élémentaires à la mobilité et au voyage, sachant que nos ami.e.s de Tunisie, ont fourni les mêmes documents que les jeunes du Maroc et la plupart d’entre eux.elles ont obtenu le visa.

Nous affirmons notre ferme conviction que les valeurs de l’Action associative démocratique et le partenariat qui unit les structures des pays participants sont plus solides que ces décisions iniques.

Nous réitérons notre volonté de poursuivre notre action et consolider nos partenariats pour la mise en œuvre de la philosophie du projet Jeunes des Deux Rives ainsi que notre engagement à une citoyenneté ouverte sur le monde.

Nous assurons la continuité et la poursuite de notre action commune, de notre attachement aux valeurs universelles qui nous unissent et de notre ferme dénonciation de la politique des murs infranchissables entre les peuples et leurs pouvoirs vivants.

Nous exprimons nos remerciements et reconnaissance à nos amis.es de France et de Tunisie membre du programme Jeunes des Deux Rives pour leur solidarité inconditionnelle de principe avec la jeunesse et les associations marocaines.

Fait au Royaume du Maroc le 7 mai 2022

Les associations membres au programme « Jeunes des 2 Rives »

على إثر إقصاء 27 شاب و شابة الممثلين لجمعيات المجتمع المدني المغربية المنخرطة في مشروع « شباب الضفتين » من حضور الملتقى الدولي المنعقد بمدينة مارسليا بفرنسا أيام 6 إلى 8 ماي 2022 بسبب  عدم منح السلطات الفرنسية لتأشيرة دخول الاراضي الفرنسية لهم، فإننا نحن شباب و شابات الضفة « المقصية »

الذين تمت دعوتهم وكان من المفترض أن يشاركوا في الملتقى المنعقد في ضفة « الإلدورادو » – 

الذين اشتغلوا مع الشباب التونسي والفرنسي المنخرط في البرنامج خلال السنوات الأخيرة على المواضيع التي تناقش اليوم في الملتقى. –

الذين استقبلوا الشباب الفرنسي والتونسي بالملتقى الدولي الذي انعقد بأكادير (المغرب) من 15 إلى 19 يناير 2020 بحضور الشركاء المؤسساتيين. –

الذين استقبلوا الجمعيات الشريكة في إطار  أوراش تطوعية، وتداريب، ومشاريع فنية وإبداعية –

الذين استقبلوا  واشتغلوا  مع فئات هشة انتصارا لقيم العيش المشترك. –

الذين جسدوا وأثبتوا إيمانهم بقيم الجمال والانفتاح والتسامح –

الذين بذلوا جهدا كبيرا وتكبدوا عناء السفر من مناطق بعيدة ليضعوا ملفاتهم للحصول على التأشيرة وتوفير جميع الوثائق اللازمة –

الذين ساهموا بمعية شركائهم الفرنسين و التونسيين في بناء جسور التواصل والبناء المشترك قبل أن يصدمنا الجدار الذي وضعته السلطات القنصلية التي لم تعر أدنى اعتبار للملفات ولانخراطنا الجماعي في دينامية تجمع بين ضفتي البحر المتوسط. –

الذين اخبرتهم القنصلية أن موضوع سفرهم غير واضح و انهم  لم يقدموا ضمانات كافية للعودة للوطن  رغم  كون اغلبيتهم سبق وأن زاروا الديار الفرنسية ولم يكن يهمهم البقاء فيها. –

وبالنتيجة تم منعنا من الحضور مع باقي المشاركين من فرنسا وتونس في اللقاء الدولي بمارسيليا .

نستكر وبشدة الحيف و الإقصاء  الذي تعرضنا له من قبل السلطات القنصلية الفرنسية بالمغرب وتجريد الشباب من ابسط الحقوق  في التنقل و السفر علما ان أصدقاءنا في تونس قدموا نفس الوثائق التي قدمها الشباب بالمغرب وحصلوا غالبيتهم على التأشيرة.

ونؤكد على :

أن قيم العمل الجمعوي الديمقراطي و الشراكة التي تجمع بين الجمعيات والهيئات بالدول المشاركة أقوى من هاته  القرارات الغير مدروسة. –

مواصلة عملنا و شراكاتنا في تنفيد و تنزيل فلسفة مشروع شباب الضفتين و الالتزام بمواطنة منفتحة على العالم. –

مواصلة العمل سويا كلحمة واحدة والتنديد بسياسة الجدران العالية بين الشعوب وقواها الحية والاستمرار في التشبث بالقيم الكونية التي تجمعنا. –

 

كما نشكر  اخواننا بكل من فرنسا و تونس  المنخرطين في المشروع  لتضامنهم المبدئي و اللا مشروط مع اخوانهم بالمغرب .

حرر بالمملكة المغربية يومه السابع من ماي 2022

الجمعيات الشريكة في مشروع شباب الضفتين – المغرب

D’habitude, vous ne votez pas ? D’habitude, vous votez ? Vous ne savez pas ? Vous ne vous souvenez plus, ça dépend ? Peu importe, mais ce dimanche, votez comme vous êtes, sinon, c’est sûr, dès lundi, vous vous ferez défoncer par l’extrême-droite au pouvoir.
Vous n’avez pas voté au 1er tour de la présidentielle ? Vous ne votez pas, ça vous saoule ? Vous aviez foot, vous aviez des courses à faire ? Vous n’y croyez plus ? Vous n’aimez pas la politique ? Vous avez voté chelou comme d’anciennes icônes provoc’ du rap tel Booba, soutenant certains propos d’Eric Zemmour (et rappelant en cela les positions favorables à Trump de Kanye West, 50 cents et Ice Cube notamment) ?! Vous avez voté Mélenchon, comme beaucoup dans les quartiers, notamment nos anciens compagnons du Forum Social des Quartiers Populaires et du Tactikollectif, ou les anciens du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues ? Vous avez voté Jadot ? Lasalle ? Poutou ? Hidalgo (Ah ! C’est vous…) ?

Chacun a fait ce qu’il voulait, chacun a fait ce qu’il a pu.
Mais…
Mais qui pense encore que l’extrême-droite ne doit plus faire peur ? Qui pense que l’extrême-droite au pouvoir, c’est pareil qu’un autre parti ? Qui a oublié, que partout où il y l’extrême-droite, il y a la violence contre les pauvres ou entre les pauvres, qu’il y a la guerre et parfois la guerre civile ? Aux Philippines, en Inde, en Russie, au Brésil, en Israël… Qui pense que Trump, c’est pareil qu’Obama ? Qui a oublié que lorsqu’on sort de la démocratie par le vote, on ne peut plus y revenir par le vote, ou alors seulement après de la violence ?

Croit-on qu’avec l’extrême-droite, la police sera plus tolérante, notamment dans les banlieues ?
Croit-on qu’avec l’extrême-droite, les administrations seront plus généreuses et plus ouvertes ?
Croit-on qu’avec l’extrême-droite, l’école sera plus riche et préservée de la violence, des tensions ?
Croit-on qu’avec l’extrême-droite, les médias parleront mieux de nous et que les les « réseaux sociaux » seront moins surveillés ? C’est le modèle chinois qui sera appliqué !
Croit-on qu’avec l’extrême-droite, les assos et les petites entreprises seront plus soutenues que les gros riches et les copains de la cheffe ? Quelques oligarques tireront les ficelles, comme en Russie.
Croit-on qu’avec l’extrême-droite, nous serons mieux protégés, alors que le mot « service public » n’apparaît même pas dans son programme ?
Croit-on qu’avec l’extrême-droite, le budget des logements sociaux et des HLM seront augmentés ? Celui des prisons, par contre, oui.
Croit-on qu’avec l’extrême-droite, les opinions et les croyances de chacun seront plus respectées ? Certaines, oui. D’autres, non.
Croit-on qu’avec l’extrême-droite, les pays européens s’entendront mieux pour gérer ensemble les crises sanitaires et environnementales qui vont s’abattre sur nous ? L’Europe l’a fait face au COVID. Demain, nos nouveaux amis, qui seront des dictateurs racistes, Poutine en Russie et Orban en Hongrie, nous y aideront-ils ?

En votant, la France ne va pas bien. Mais en ne votant pas, ira-elle mieux ? Quand on ne vote pas, comment on résout les problèmes ? Par la violence ? Par la guerre ? Fatalisme, résignation, désintérêt pour le vote, tout ça permet aux pires gens de décider sans nous. Mais c’est clair, voter ne suffit pas : une fois fait, il faut surveiller ce que font ceux pour qui on a voté ; il faut donc en plus s’engager, monter des projets, se syndiquer, manifester, pétitionner, boycotter, se fatiguer, ne rien lâcher…

Quand la banlieue se mobilise, le pays change

C’est inédit : lorsque la banlieue se mobilise, le pire est évité. En 2012, la banlieue a voté contre lui : Sarkozy est parti. En 2012, la banlieue a voté contre elle : Marine Le Pen n’a pas été élue. En 2022, la banlieue votera-t-elle, ou aura-t-on un crash, dont elle-même sera la première victime ? La responsabilité des banlieues dans l’avenir de leur propre destin est immense. Et donc immense est leur pouvoir. Votons comme Mbappé joue (avec ses pieds) ; votons comme Francis Lalanne pense (avec ses pieds aussi) ; votons comme Stromae danse (sous antidépresseur) ; votons comme Lady Gaga chante (avec grandiloquence) ; votons comme la Reine d’Angleterre promène son chien (avec élégance) ; votons comme des Sioux, avec prudence, votons par inadvertance... mais votons, au moins pour éviter le pire !

Erwan Ruty, directeur de Médialab93

NB : Et puis faisons un rêve : si Le Pen ne passe pas cette fois de plus, après trois essais, et alors que les conditions lui semblent cette fois enfin favorables, il n’y aura sans doute pas de 4ème fois avec elle. Depuis plus de 20 ans maintenant, depuis au moins le 21 avril 2002, la famille Le Pen menace les quartiers, leurs habitants et l’ensemble de la vie du pays, dont ils sont l’un des maillons le plus fragile, le plus exposé. Si cette menace est à nouveau écartée, on respirera sans doute pour quelque temps un air plus frais.

Un nouveau documentaire sur la situation des Français noirs a eu les honneurs de la télévision de service public, en prime time. Si l’on peut se féliciter que la parole de ces citoyens soient entendue, ce type de film ne permet hélas pas de comprendre la complexité de situations dans lesquelles ce trouvent la plupart « des Noirs » en France. Car la couleur de peau ne doit pas voiler d’autres facteurs expliquant la position de minorité. Parmi lesquels, le facteur économico-social et le facteur historique. Deux variables pourtant cardinales, qui est trop souvent oublié dans le récit qui est dorénavant fait de la place des minorités. Alors que ce sont justement ces facteurs qui pourraient permettre de créer des liens entre différentes catégories de citoyens français, aux origines et profils, mélaniques ou culturels variés, et de reconstituer ainsi un « en-commun » qui disparaît.
Grâce aux travaux amorcés à la fin des années quatre-vingt dix par l’ACHAC (menée par Pascal Blanchard, conseiller historique de « Noirs en France »), ainsi qu’aux mobilisations nées dans la foulée de la marche de 1998 pour la mémoire des victimes de l’esclavage, ou plus modestement autour de petits collectifs comme « Ecrans pâles » (de Calixte Beyala, à la fin des années 90), ou encore grâce au CRAN, première structure ouvertement communautaire voulant réunir tous les Noirs de France, quelle que soit leur origine (en 2005), une « conscience noire » était apparue au tournant du siècle.
Depuis, la prise de conscience s’accélère par à-coups, parfois violents (contrôles au faciès racistes ou décès tragiques suite à des « bavures policières » etc.), ou plus positifs (nomination de Pap N’Diaye à la direction du Musée de l’immigration, de Sibeth Ndiaye comme porte-parole du premier gouvernement Macron, ascension de Christiane Taubira comme figure morale de la Nation, etc), et parfois structurels (place des innombrables artistes et sportifs noirs, atteignant un niveau de notoriété inégalé, à l’instar de Omar Sy ou Teddy Riner, acteur et sportifs fétiches des Français).

Subalternes toujours

Reste que la situation de la majorité des citoyens noirs de France reste subalterne. Et ce, d’abord pour des questions économiques : ceux-ci appartiennent largement aux couches populaires, frappés par le précariat, d’autant qu’ils travaillent notamment dans le secteur des services (en en particulier des services à la personne, de cette économie « ancillaire » qui est l’un des secteurs les moins syndiqués et où les droits sociaux sont les plus difficiles à faire respecter, du fait de l’organisation du travail de ces métiers où règnent l’individuation des tâches). Quand bien même aucune statistique « ethnique » ne viendrait l’attester, les statistiques de l’INSEE (et les études qui en émanent, comme TeO, Trajectoires et Origines) permettant de le discerner. Mais de nombreux facteurs expliquent aussi cette situation de subordination : faiblesse des diplômes, parcours migratoire récent, relégation dans des territoires en voie de ghettoïsation, pression d’un chômage endémique sur les « moins conformes » aux « normes » du marché du travail ou des employeurs (références culturelles, attitudes comportementales etc). Pluralité de causes auxquelles il faut donc bien sûr, ajouter les… discriminations purement raciales, parfois structurelles. Celles-ci sont donc l’un des facteurs de ces difficultés. Mais il est toujours difficile de démêler le facteur premier, des autres.

Fourre-tout

On n’y aide pas en mêlant des parcours aussi exceptionnels que celui de Yannick Noah ou Soprano à celui d’humbles anciens ou de sympathiques anonymes. La noble ambition d’évoquer quelques figures aussi attachantes que symboliques (un enfant, un tirailleur…), la volonté de ne pas oublier les éclairages intellectuels (Pap N’Diaye) pourrait cacher la diversité des conditions. Car le ressenti d’une portion considérable de citoyens qui vivent la condition noire en travaillant dans la restauration, la livraison/logistique, la propreté ou l’aide à la personne devrait être traitée en priorité, puisque cette condition est majoritaire. Or elle est trop souvent oubliée dans ce type de collection de portraits. Pourtant, les conditions de travail ont sans doute au moins autant d’impact sur les positions sociales que la couleur de peau (comme en attestent les grèves dans les hôtels Ibis, ou les femmes, y compris noires, témoignant dans « Debout les femmes ! »). La couleur de peau est certainement un facteur plus déterminant du vécu de quelqu’un situé en bas de l’échelle sociale, alors qu’elle n’est vraisemblablement qu’un trait de caractère secondairement discriminant pour des personnes qui sont « biens nées ». La question des classes sociales, ou des conditions sociales est trop souvent mise de côté dans les approches raciales.

Le piège libéral de la diversité

C’est d’ailleurs ce que recherche la théorie libérale de la « diversité », qui est un mantra très émollient voilant bien d’autres types de combats et revendications depuis vingt ans, y compris les luttes bien plus urticantes contre les discriminations (testings, procès etc). La « diversité » s’adresse aux dominants et leur assure qu’une société doit être diverse pour progresser. Elle dit que les élites aussi doivent être diverses. Elle se contente trop souvent de promouvoir l’accession sociale d’une portion congrue de membres issus des minorités, tout en mettant de facto de côté la question de la réduction des inégalités sociales, qui est seule capable d’égaliser les conditions de la très grande masse des populations noires, par une action politique ou syndicale capable de revaloriser la condition de l’ensemble des travailleurs (y compris noirs). Elle glorifie quelques parcours de réussite, et ce faisant voile mieux l’échec de la masse.
Les récits tout à tour lénifiants et larmoyants, agrémentés de belles histoires optimistes et émaillées de punchlines saisissantes permettent certes de replacer sur le devant de la scène un problème crucial. Mais celui-ci sera aussitôt fait oublié, au profit d’une nouvelle fraction de la population française, elle aussi victime d’autres injustices. Une vision marketing de la société, découpée en parts de marché, en communautés d’intérêts sectoriels.

Chercher ce qui rassemble

La politique du ressenti, où l’on se dit que l’identité est ce qui reste quand on pense n’avoir plus rien d’autre, où tout est affaire de perception, de culture, cette politique qui domine dorénavant les imaginaires, ne peut que mener au ressentiment. Aux identités meurtries. Qui pour certaines deviendront un jour à leur tour meurtrières. Ne pouvant changer de couleur de peau, cette variable de notre être rend toute politique centrée autour de ces questions fondamentalement clivante, « mélaniquement » (ou « racialement ») clivante. Pour trouver des sujets communs à tous les citoyens, il faut donc construire des politiques publiques autour d’autres critères potentiellement rassembleurs et auxquels on peut adhérer par la volonté, quelle que soit notre couleur. Des critères qui peuvent nous amener à changer certaines de nos caractéristiques, à nous mobiliser autour d’oppositions dans lesquelles les différents « camps » en présence peuvent évoluer... Ces critères peuvent être sociaux (par exemple, « travailleurs vs précaires »), économiques (par exemple, riches vs pauvres), géographiques (par exemple banlieues vs périphéries ou centre-villes, zones rurales), voire culturels (par exemple, laïcs vs religieux). Pas « raciaux », ni liés à une couleur de peau. On peut devenir travailleur ou employeur, changer de lieu de résidence, de culture… Pas de couleur de peau. Enfin, prioriser la couleur de peau comme facteur de communauté, et possiblement de mobilisation et de revendication, voile les autres facteurs, y compris ceux qui pourraient venir en aide aux « minorisés ». Qu’il s’agisse de facteurs d’égalité et justice ou de politique. C’est la « race » contre la politique ou l’égalité : ainsi, les actions en justice (par exemple contre les entreprises et bailleurs discriminants), les mobilisations en faveur du récépissé pour contrôle au faciès, les luttes en faveur de l’égalité territoriale (reconnaissance de discriminations territoriales…) peineraient à être menées sur des critères exclusivement « raciaux », ou de couleur de peau (susceptibles d’isoler par exemple « les Noirs » des « Maghrébins », alors que tous subissent les mêmes humiliations en la matière).

Dans toute libération, la lutte prime, et elle n’est en général victorieuse sur le long terme que lorsqu’elle agrège la majorité aux minorités qui la mènent. Sans cela, tout est encore plus difficile.

Erwan Ruty, directeur du Médialab93

Ce 12 décembre 2021, le dernier des trois référendums sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie prévus par les accords de Matignon de 1989 a fait l’effet d’une fausse-couche. Au même moment, la lente décomposition de la révolte guadeloupéenne, qui s’est condensée autour d’un mouvement « anti-vax », ressemble à la décomposition des rapports, toxiques, entre la métropole et ses territoires d’outre-mer, si ce n’est à la décomposition de la société guadeloupéenne elle-même (autant que la guyanaise, sans parler de la mayottaise). Certains de ces territoires, aux situations extrêmement différentes, sont encore reconnus par l’ONU comme des quasi-colonies, à l’instar de la Nouvelle-Calédonie (territoire « non-autonome », selon l’Organisation), n’en finissent pas de ternir l’idée que la France se fait d’un des fondements de la démocratie : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les indépendantistes kanaks avaient appelé à boycotter le référendum, pour des raisons certes équivoques : les conditions sanitaires ainsi que le long deuil coutumier d’une partie de la population kanak (population pourtant théoriquement limitée, en raison du faible nombre de décès dus à la pandémie sur ce territoire). Cependant, cet argument, à caractère identitaire, aurait dû être entendu par les autorités françaises, laissant penser que celles-ci s’estimaient en faiblesse, et escomptaient au contraire profiter de la démobilisation des indépendantistes pour passer en force, et ainsi asseoir la perpétuation d’une domination territorialement et culturellement (ethniquement) inégalitaire. Résultat : avec une victoire du « non » à 96 % mais avec plus de 56 % d’abstention (contre 14 % en 2020, avec 51 % pour le « non »), on se trouve ne présence de deux fractions du peuple néo-calédonien affaiblies qui vont, demain encore plus qu’hier, se regarder en chien de faïence. Ce référendum sera jugé illégitime, et à n’en pas douter, à l’avenir. Et l’argument identitaire, hautement inflammable, encore plus utilisé par les indépendantistes pour justifier des actions contestant ses résultats et toutes les décisions politiques qui pourraient en découler (d’autant que les institutions locales sont, elles, régies par les indépendantistes, préfigurant un découplage de l’action publique entre décisions métropolitaines et locales).

Economies morales

Or il faut se rappeler les leçons de EP Thompson, historien anglais de la classe ouvrière et auteur précurseur des cultural studies : les pratiques coutumières et les traditions sont les leviers les plus mobilisateurs pour dresser les peuples, et notamment les couches populaires. Chaque peuple est ainsi animé par sa propre « économie morale », qui mêle pratiques traditionnelles (sur lesquelles il appuie ses revendications et les « droits » qu’il juge ancestraux et naturels), tentatives de préservation de relations politiques autant qu’économiques équilibrées avec les « dominants ». Et c’est généralement arguant d’une rupture de ces équilibres vus comme traditionnels que se fonde la légitimité de ses révoltes. C’est ainsi que Jacques Lafleur, leader des caldoches (les néo-calédoniens blancs) reconnaissait, au moment des accords de Matignon avec Jean-Marie Tjibaou (le leader kanak) : « On ne peut traiter si on ne reconnaît pas l’identité des mélanésiens ».

Respect des cultures locales

Il faut ainsi voir le magnifique film co-réalisé par le kanak Walles Kotra et Gilles Dagneau, « Tjibaou, le pardon » (2006), pour mesurer l’importance du temps de deuil, de la demande de pardon et de la force des clans (qui doivent assumer collectivement les fautes d’un seul des leurs) sur ces territoires : documentaire portant sur l’assassinat en 1989 de Jean-Marie Tjibaou et Yéwéné Yéwéné par un indépendantiste plus radical, et sur la manière dont les clans respectifs ont réussi à éviter d’infinies vendettas, en respectant justement les pratiques coutumières. Nécessaire donc pour comprendre que bafouer cet élémentaire respect des traditions est un grand risque, si ce n’est une faute (morale), autant donc qu’une erreur politique, gestes malencontreux pris dans une logique toute coloniale. Un pouvoir qui ne reconnaît pas ces équilibres subtils et préfère passer outre pour préserver sa domination prépare un avenir abrasif pour ce territoire.
« Un retour à la tradition n’est plus une option : passer à présent au futur, tout en gardant notre passé présent dans notre futur. Re(co)naisance. » Cette phase de Chemin kanak 2.0, clip nocturne et impressionnant slam - parkour/dansé de Simanë Wenethem (lauréat de l’Urban film festival 2017), le rappelle lui aussi.

Pwofitasyon toujours, partout

La France d’Emmanuel Macron devrait prendre en compte ces réalités, car la situation dans les autres territoires d’Outre-mer est économiquement, socialement et culturellement comparable (tout en demeurant par contre institutionnellement et politiquement très différente). Si les révoltes de 2009 contre la « pwofitasyon » n’ont guère eu d’effets sur la vie quotidienne (notamment du fait que le profond désarroi culturel guadeloupéen n’avait pas été pris en compte dans les combats mêmes du LKP d’Elie Domota), la situation s’est dégradée depuis plus de dix ans, en raison de la crise économique et sociale structurelle sur ce territoire. Avec pour conséquence l’accroissement de l’emprise des bandes, parfois armées, et des peurs viscérales -dont témoignent le virulent mouvement anti-vaccin*. Le sommeil de la raison engendre les monstres…
Là comme ailleurs, une radicale nouvelle répartition des terres et des richesses locales (largement concentrées entre les mains des descendants de l’esclavage et de la colonisation), une transformation des relations économiques avec la métropole et avec les pays voisins allant vers une relocalisation des productions, notamment vivrières, et la prise en compte de ces « produits de haute nécessité » qu’évoquaient naguère Glissant et Chamoiseau (la culture), c.a.d une créolisation plus profonde des cultures et institutions locales, s’avèrent indispensables.

Erwan Ruty, directeur du Médialab93

* dont on sait à quel point il est lié à la démonétisation de l’action et de la parole publique, bien plus encore après la révélation des mensonges d’état autour de l’empoisonnement généralisé de la population à la chlordécone, insecticide massivement utilisé dan les plantations guyannaises pendant des décennies.

Nous remercions tous les participants et nous souhaitons la BIENVENUE au sein de l'École du Lab 9 à Or Périph’ (Clément Dechamps), au podcast L’Escalier (Lamia Bakhalek) , à celui de La Reprise (Thi Nhu An Pham), à Madame Humaine (Chloé Mandelbaum), à Beaux Parleurs (Saïd Ya-sine Youssouf), à la newsletter Les Impertinentes (Ann-Laure Bourgeois), à la webTV Origines (Chiguecky et Thu-An) , au site Sport Mémoriel (Clinton Kieta-Sisidi) , à L’écologie par l’art (Joan Pronnier), à Bam Badam Editions (Camille Decrozant) , à Clouée (Audrey Pluvier), à Rosny Coworking (Estelle SCHOEN), ArtGo (Océane Allix), au projet “Cultures et traditions Ouïghours”(Shavaeva Nasima), à 810 (Massimo Bruni) !

On se retrouve en janvier pour le lancement des temps de formation collective et nos événements publics* !

 

*sous réserve du contexte sanitaire

 

Souvent, les Journaux télévisés renvoient une image résumée à l’extrême des migrants, quelle que soit la raison de leur exil : cette image est un instantané pris en général au moment où ils passent la frontière (ou tentent de la passer). Au moment d’un franchissement, éventuellement d’une infraction : murs de grillages de Tanger, plages grecques ou italiennes, forêts biélorusses… On sait rarement ce qu’il se passe avant, ou après ce franchissement.
Les raisons du départ, en particulier, sont souvent mal évoquées : conditions de vie difficiles (et qui se dégradent) ; imaginaire fantasmatique entourant une Europe qui fascine des populations appauvries (et qui hélas font souvent preuve de naïveté quant aux difficultés encourues pendant le voyage et une fois la destination finale atteinte) ; mésestime de soi (et faible confiance envers les capacités des pays d’origine de s’améliorer à court terme) ; habitudes anciennes d’émigration de travail pour faire vivre la famille restée au pays ; crédulité à l’endroit des discours fallacieux des réseaux criminels qui organisent ou profitent d’une partie importante de ces migrations (voire, mais de manière plus limitée, des réseaux de trafiquants d’êtres humains qui enrégimentent des adolescents - un certain nombre de « mineurs non accompagnés »- pour organiser la rapine dans les pays d’accueil…).

Partir, aujourd’hui d’Afrique comme hier d’Europe

C’est justement à ce type de raisons et de parcours migratoire que s’intéresse le film « Partir ? », de Mary-Noël Niba, réalisatrice camerounaise (produit par la société de production DACP, de Laurence Lascary). Un film qui se voudrait « une thérapie, pour les sociétés africaines », espère sa réalisatrice, à l’endroit de tous ceux qui estiment qu’il vaut mieux « être pauvre en Europe que riche en Afrique ». Une sorte de cure de désintoxication sur les mythes de l’Eldorado occidental qui aliènent tant de gens. Et qui devrait être largement diffusé dans ces pays, tant le silence est de plomb chez ceux qui sont partis, sur les souffrances qu’ils ont endurées (et encore plus chez ceux qui sont revenus).
Car mieux comprendre ces phénomènes est dorénavant une obligation morale autant que sociale. En effet, et cela est assez inédit, depuis quelques décennies, la migration est un phénomène qui n’est plus (ou presque plus) organisé par des Etats ou des entreprises, du moins en Europe. Car il n’en fut pas de même, au XIXème siècle ou au XXème : que l’on songe à l’immigration (en particulier irlandaise) massive vers les Etats-Unis dans la seconde moitié du XIXème (suite aux famines et aux tensions politiques) ; immigration française notamment vers l’Algérie (pour détourner des tensions sociales dès 1830, mais aussi après les révolutions de 1848 ou à la Commune) ; immigration notamment algérienne vers la France dans les années 60, après l’indépendance algérienne (organisée par les gouvernements de deux peuples encore la veille en guerre, avec les entreprises françaises)… Le reproche qui est fait encore aujourd’hui aux pouvoirs des pays arabes d’externaliser la misère sociale de leur jeunesse pléthorique et bouillonnante n’a donc rien d’inédit, l’Europe le faisait elle-même cent ans plus tôt lorsque sa démographie et sa situation politique le lui demandaient.

Confusion identitaire

Par contre, la confusion semble l’emporter quant à la gestion de cette situation, dans le cadre d’une fièvre identitaire qui a envahi le débat présidentiel français. Fièvre touchant toutes les catégories sociales, et divisant notamment les couches populaires en des visions séparées de la question raciale : d’abord avec Dieudonné puis Bouteldja et tant d’autres, d’un côté, face à Le Pen et Zemmour et tant d’autres, chez « Les Républicains » notamment, de l’autre. Avec Soral au milieu… Les têtes qui semblaient les mieux accrochées vacillent. Ainsi d’un Montebourg, proposant (avant de revenir, confus, sur cette idée) de geler les transferts d’argent des migrants vers leurs familles et pays d’origine, pour inciter les pouvoirs de ces pays à faire revenir chez eux leurs ressortissants condamnés en France… Qu’un héraut de la gauche la plus pure s’abîme dans de telles « recettes » d’un supposé « souverainisme des deux rives » en dit long sur les errements idéologiques actuels.
Là comme ailleurs, il semble donc bien que les populations civiles sont dorénavant prises dans des enjeux géopolitiques de plus en plus confus (c’est, toute proportion gardée, ce que fait la Biélorussie en organisant l’immigration vers l’Europe). Ce sont bien les Etats qui devraient s’organiser entre eux pour régler les questions diplomatiques qui les préoccupent, sans utiliser les sociétés civiles.

Un soft-power litigieux

Ces stratégies litigieuses sont pourtant devenues l’un des dévoiements de cette nouvelle vulgate qu’est le « soft power » : ce dernier consiste à utiliser son influence pour imposer ses intérêts au-delà de ses frontières (plutôt que la guerre, et au-delà du seul commerce). Outils privilégiés du « soft power » : la culture, et souvent la jeunesse. Jeunesse qui, y compris pour Emmanuel Macron, est dorénavant un « outil », une « passerelle », pour créer des liens entre la France et ses ex-colonies, afin de contourner les difficultés de la diplomatie traditionnelle et encore plus de la « françafrique » du XXème siècle.
Il y a certes une forme de lucidité dans l’analyse qui prévaut à cette stratégie, car la jeunesse (y compris une bonne partie des jeunes élites des quartiers) parle dorénavant un même langage, notamment celui des cultures urbaines, de part et d’autres des frontières, ce qui est assez inédit -c’est d’ailleurs le point de départ du film de Mary-Noël Niba.
Cette jeunesse pourrait effectivement constituer une passerelle entre deux rives. Le Conseil présidentiel à l’Afrique (finalement aussi inabouti et de faible influence que le Conseil présidentiel aux banlieues), le sommet Afrique-France de Montpellier (en octobre dernier), la mission de réflexion confiée à un l’un des plus profonds contempteurs de la colonialité, Achille Mbembe, tout cela ouvre d’incontestables perspectives qui rebattent les cartes des relations entre les anciennes colonies et leur métropole. De même que le soutien des organismes de coopération française tel l’AFD à des projets originaux que sont par exemple les tiers-lieux (et les « Labis », Laboratoires d’innovation sociale, dans bon nombre de pays d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb), ou encore le profil atypique de certains nouveaux ambassadeurs de la « macronnie » en Afrique (comme au Ghana, par exemple, avec la personne de Anne-Sophie Avé, devenue une véritable influenceuse locale).
Mais cela demande du doigté, et les intérêts géopolitiques n’étant jamais loin, ils reviennent régulièrement sur le devant de la scène pour annihiler les efforts faits afin de créer ce continuum culturel. Emmanuel Macron en a témoigné encore une fois, en s’égarant dans des comparaisons maladroites entre colonisation française de l’Algérie et joug de l’Empire ottoman sur ce même territoire (qui réveille le souvenir des vieux prétextes d’intervention française sur l’Algérie au milieu du XIXème siècle). Il en était allé de même lors du discours du même président de la République au Burkina-Fasso, en 2017, lorsqu’il s’était permis de moquer son hôte, le chef de l’État, M. Kaboré, en sa propre présence, devant une foule d’étudiants africains. Une attitude en surplomb, si ce n’est néo-coloniale, qui rappelle, sans les mots, celle du fameux discours de Dakar de Nicolas Sarkozy dix ans plus tôt...

Le contre-exemple britannique

Dans cette nouvelle donne diplomatique mêlant « soft power » et action diplomatique traditionnelle pour refonder les relations entre Etats, le cas de la Grande-Bretagne est intéressant, tant il tourne le dos à ces tendances nouvelles, à plusieurs titres : ce pays subit les conséquences terribles de la fermeture des frontières ainsi que de la violence des campagnes xénophobes qui ont eu lieu autour de ce Brexit : ses pénuries sont largement dues au départ de la main d’oeuvre étrangère (dans les transports et l’agriculture en particulier)...
Episode illustratif : la COP26 elle-même, ironie de l’histoire, se tient sur une terre qui s’est longtemps considérée comme colonisée par les anglais, l’Ecosse (et qui refuse le Brexit). Le président de cette conférence, Alok Sharma (par ailleurs secrétaire d’État aux Affaires, à l’Energie et au Développement industriel), est d’origine indienne. Le « Global Britain » voulu par les brexiters, redynamisant les anciennes colonies dans un Commonwealth revitalisé, n’est-il pas une illusion ? l’Inde a trahi son ancienne tutelle à la dernière minute de la conférence, et le ministre-président de la COP n’a pas été le pont entre les deux entités...

Immigrés et relocalisation économique : à rebours de 50 ans d’histoire occidentale

La France, si elle veut réindustrialiser ou relocaliser une partie de sa production, et même si elle veut réussir sa transition écologique, pourra-t-elle elle-même se passer de l’immigration, tant le discours servi depuis plusieurs décennies, dans le droit fil de Jean Fourastié, théorisant dans les années soixante, la passage progressif des sociétés occidentales vers une économie basée sur le secteur tertiaire, devait transformer les vieilles nations industrielles en nations de cadres ? L’objectif de 80 % d’une classe d’âge détentrice du Bac (proclamé par le Premier ministre Lionel Jospin à la fin des années 1990) allait dans ce sens : on n’aurait (presque) plus besoin de paysans, ni d’ouvriers, mais surtout de cadres. Or, on le sait, la société de consommation occidentale dépend de plus en plus de pays-ateliers où n’existent ni droits sociaux ni droit environnemental, ou si peu. Pour relocaliser et être plus autonomes industriellement et alimentairement, il faudra donc à nouveau impérativement plus de paysans, d’ouvriers. Comme les britanniques, les français voudront-ils vraiment revenir massivement à ces emplois, plus laborieux ? Les immigrés souhaitent-ils occuper de tels emplois ? L’équitable répartition des migrants actuels sur tout le territoire national ne le laisse pas forcément penser : ceux-ci rêvent plus de vivre et travailler en ville, fût-ce pour être livreur ou cuisinier, aide-soignant ou aide-ménager, semble-t-il, que dans les champs ou les usines (qui sont de nos jours surtout à la campagne et non plus dans les périphéries des métropoles), tant ces activités ne correspondent pas à leur imaginaire de la réussite du parcours migratoire. Pas sûr non plus que leurs enfants le souhaitent... En accueillant un million de réfugiés à partir de 2015, Angela Merkel déclara son fameux « Wir schaffen das » (« Nous le faisons ! », interprété depuis comme « Nous y arriverons ! »). La France devra-t-elle aussi « le faire » ?

Erwan Ruty, directeur du Médialab93

Combat médiatique, combat politique et combat culturel : porter la caméra dans la plaie

« Il faudra se rappeler que notre pays tout entier tient aujourd’hui sur ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » (Discours d’Emmanuel Macron à la Nation le 13 avril 2020). Ces métiers sont ceux dits « du lien ». Bien entendu, la crise sanitaire à peine derrière nous, le pays ne s’est absolument pas rappelé de ces femmes, de ces « premières de corvée ». Citées au coin d’un discours, il les a même totalement laissées tomber. Sauf peut-être le journaliste-député (La France Insoumise) François Ruffin. Dont le récent documentaire militant, « Debout les femmes ! », est un exemple de journalisme engagé. Un style unique en son genre, qui brouille les frontières entre geste politique, geste médiatique et opus culturel (ou plutôt de combat culturel).
Ceux qui se sont engagés dans le métier de journaliste et dans les médias avec l’envie de changer la donne dans ce milieu ou d’y apporter un regard neuf, et notamment ceux qui oeuvrent ou ont oeuvré dans les médias dits « de quartier », devraient se pencher sur le parcours de Ruffin. Comme lui, bien des journalistes issus des quartiers populaires prennent la plume ou le micro, la caméra, non pour « faire un métier », « réussir dans la vie » ou même « sortir du ghetto » (quoi que ce ne serait pas répréhensible), mais pour dire quelque chose, et souvent même parler de quelque chose qui les choque.

Un journalisme aux pieds nus

La sortie de « Debout les femmes ! » se fait au moment même de la parution du numéro 100 du journal dont Ruffin est par ailleurs le fondateur (et l’omniprésent rédacteur-intervieweur), Fakir. Un trimestriel né à Amiens, qui a longtemps été une sorte de Canard enchaîné local, bousculant les notables et instruisant un procès permanent contre les mille et unes injustices qui s’abattent sur ces terres populaires de la Somme, qui survivent tant bien que mal depuis la désindustrialisation. Ruffin connaît sa ville par coeur, de même que son territoire, leur histoire, avec leurs hauts et leurs bas. Cette proximité, c’est le B-A BA du métier de localiste, celui qui doit d’abord témoigner : être chez soi comme un poisson dans l’eau*, et pas seulement se pencher sur les heurs et malheurs des puissants, comme le font la plupart des journalistes politiques ou économiques (antithèse qui justement est elle narrée au cinéma dans « Les illusions perdues », d’après Balzac donc).
À l’opposé des salons feutrés où se côtoient journalistes des médias de pouvoir et élus des partis dominants, Ruffin (ré-)invente ce qui pourrait être qualifié de « journalisme aux pieds nus », à l’instar de ce que furent les « médecins aux pieds nus » de la Chine populaire et rurale des années soixante : être avec humilité, armé d’outils légers et d’un savoir local, pour faire aux côtés des subalternes et les aider à faire.

Un journalisme de combat contre les illusions perdues

Quelques années après le lancement de Fakir, Ruffin avait déjà méchamment assaisonné le côté grégaire des étudiants en journalisme, dans son livre « Les petits soldats du journalisme ». Les méthodes journalistiques volontairement anti-professionnelles, plus proches du « cinéma-vérité », de ce pédagogue et porte-parole, porte toujours la caméra dans la plaie (tout comme son Fakir, à défaut de danser sur des tessons de bouteille et de dormir sur des planches à clous, porte la plume dans la plaie, selon l’expression consacrée). Un jour élaborer une loi, le lendemain interviewer des auxiliaires de vie, le jour d’après réunir et filmer des dizaines de femmes de ces métiers dans un hémicycle pour leur faire jouer le rôle de députées votant les lois justes que les vrais députés ont refusé de voter dans la vraie vie, et les faire entonner ce chant de révolte bouleversant qu’est « L’hymne des femmes » (avec l’aide de la compagnie Jolie Môme, engagée s’il en est**)… Il faut faire feu de tout bois pour s’imposer.

Pourtant, malgré toute l’énergie déployée depuis des années à lutter sur le sujet, alors que le combat législatif de Ruffin est repoussé à l’Assemblée nationale, et lorsque le député doit concéder sa défaite, peut-on pour autant parler d’un échec, ou d’illusions perdues ? Le premier concerné le dit, lui-même, il n’est finalement pas si surpris de ses propres revers. Et c’est le mérite du vrai combattant de se dire que si une bataille (politique, en l’occurrence) est perdue, il faut alors immédiatement en engager une autre, sur un autre terrain, avec d’autres outils : les médias, ou la culture, peu importe. Mais ne rien lâcher.

Parfois, la politique ne suffit pas. Souvent, le journalisme ne suffit pas. La culture ne suffit pas non plus. C’est un tout que de pouvoir naviguer dans ces territoires connexes, dans ces univers aux codes spécifiques mais qui peuvent se croiser. C’est pourquoi journalisme, culture (populaire) et engagement sont les trois mamelles du Médialab93.

Erwan Ruty, directeur du Médialab93

*fort de ce sentiment dorénavant dominant d’une « confiance pour l’en-bas et défiance pour l’en-haut : il y a une confiance pour ce qui est proche (…) et considéré comme identique, et une défiance pour ce qui paraît lointain » (Pascal Perrineau, CEVIPOF)
**et dont voici l’une des versions récentes.

 

Le 93 influence la banlieue, la banlieue influence Paname, Paname influence la France ! C’était l’accroche du teaser de la soirée réalisée par Le Médialab93, en partenariat avec le In-Seine-Saint-Denis, mercredi 22 janvier, au Dock B de Pantin. Le report ici

 

Le Médialab93, RStyle et Est Ensemble présentaient le 9 octobre dernier dans le cadre de l'URBAN FILMS FESTIVAL, CLASH INVESTIGATION : HIP-HOP et BUSINESS, MODE D'EMPLOI. Le report vidéo est ici

A l’heure des mutations technologiques et de la numérisation de l’économie, les façons de travailler évoluent. Le statut d’indépendant des professions libérales, commerçants, artisans, agriculteurs s’étend aujourd’hui aux designers, communicants, chauffeurs de VTC, livreurs…

Entreprenariat subi ou entreprenariat choisi ? 

La flexibilité permise par le statut de travailleur indépendant séduit les entreprises qui y voient une variable d’ajustement de leur masse salariale, pouvant ponctuellement être renforcée sans les contraintes du statut de salarié. Le travailleur indépendant est quant à lui dépendant ou flexible ? Certains prônent cette indépendance comme étant bénéfique pour un équilibre vie privée-vie professionnelle. Euractiv vous invite à une table-ronde réunissant politiques, chercheurs et entrepreneurs pour échanger sur l’avenir du travail indépendant en Europe. Entre le rêve d’indépendance et de liberté et la précarité subie, quel environnement l’Europe propose-t-elle pour encourager la créativité et la protection des citoyens?
-Quel avenir pour les travailleurs indépendants en Europe?
-Quelles différences entre les initiatives politiques à venir au niveau national et les initiatives européennes?
-Quelle protection sociale pour les indépendants et les emplois atypiques?

INTERVENANTS 
Max Uebe, Chef d'unité "Stratégie pour l'emploi ", Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, Commission Européenne
Vincent Huguet, Co-Fondateur, MALT
Clara Brenot, Responsable des affaires publiques, Uber

MODERATRICE
Laetitia Vitaud, Auteure et conférencière spécialiste du futur du travail

LA MALTERIE, 42 rue Rochechouart, 75 009 PARIS 
Inscription ici

A l'occasion du Mondial de Football, du 9 juin au 15 juillet, les Magasins Généraux proposent 2 000 m2 d’espace urbain de détente, de restauration et de divertissement au bord du canal de l’Ourcq. Ce festival en plein air prolonge et amplifie l’exposition par Amour du Jeu.

Au programme : Diffusion des principaux matchs de la Coupe du Monde de la FIFA sur écran géant, performances, projections vidéo, conférences, ateliers, street football, football freestyle, babyfoot, bornes de jeu vidéo, bar, restauration, concerts, soirées etc.

Ce festival s’organise encore autour de grandes rencontres thématiques, présentées les samedis et dimanches, qui associent une conférence, un atelier et des projections de films. Chacune d’elles est dédiée à un enjeu contemporain du football traité à travers le filtre de l’amour, qui trouve un écho dans les débats sociétaux actuels.

Le Médialab93 vous donne rendez-vous le dimanche 8 juillet pour un forum-live. 

Activités en accès libre : terrain de street football, bornes de jeu vidéo FIFA par Xbox, babyfoots 
Ateliers les mercredis, samedis et dimanches de 14h à 18h

Cours de sport collectifs par Fitness Park
les mercredis à 18h et les samedis et dimanches à 11h

Bar & restauration 
tous les samedis, dimanches et les soirs de Coupe du monde sur écran géant

 

Euractiv organise le premier débat citoyen"Où est l’Europe dans le 93 ?" à l'occasion du mois de l'Europe en partenarait avec le Medialab 93. Cet événement a pour but de faire connaître les actions de l’Union Européenne au sein du département du 93 mais aussi de donner à voir concrètement l’action publique locale de l’UE. Des quizz, reportages et temoignagnes seront organisés tout au long de la soirée.

 

Retrouvez le programme complet ici 

Pour le lancement de sa Saison 5 < IMAGE DE SOI >, le cycle de courts-métrages itinérant créé par la journaliste cinéma Claire Diao frappe fort avec 4 courts-métrages français,projetés à Pantin ! La projection aura lieu au Ciné 104, vendredi 6 avril 2018 à 20h, en présence de l'acteur et réalisateur Lucien Jean-Baptiste (parrain de cette édition)  et des cinéastes de cette nouvelle saison.

Plus d'infos, ici

 

 

A l'occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes,
Simplon.co, le réseau d’écoles de code solidaires, Télécom Ecole de Management, grande école de management socialement inclusive,et la Fondation Mines-Télécom s’associent pour vous convier à une soirée d'échange sur le thème :

"Femmes dans la Tech : lever les freins, hacker les genres "

Jeudi 8 mars 2018 - à partir de 18h30 à Simplon Montreuil

Au programme :

• Une table-ronde sur le thème la mixité dans le secteur du numérique avec des experts de la formation professionnelle et des ressources humaines
• Présentation du MOOC "Mixité dans les métiers du numérique" créé par Chantal Morley, professeure à Télécom Ecole de Management
• Remise des prix de l'appel à projets #Makeuses

La soirée sera suivie d’un cocktail dînatoire.

N'hésitez pas à venir accompagné : un atelier d'initiation au code est prévu pour vos petits geeks en herbe.

Nombre de places limité.

Je m'inscris

 

Rêv’Elles, l’association qui donne aux jeunes femmes le pouvoir d’agir propose un parcours pour celles qui ont besoin de trouver leur voie, de développer leur confiance en elles, d’apprendre à communiquer en public et de se familiariser avec le monde de l'entreprise. Au programme : 5 jours d’ateliers collectifs pendant les vacances scolaires, suivis de 2h d’entretiens individuels. Ce programme s'adresse aux jeunes filles de 14 à 22 ans qui se posent des questions sur leur orientation professionnelle. Les inscriptions ouvrent le 15 janvier et se font directement en ligne. 

Les objectifs de ce parcours sont :

D’élargir les perspectives professionnelles et de se projeter sereinement dans l’avenir
De construire un projet professionnel et d’acquérir les outils pour le réaliser 
De développer le potentiel et le pouvoir d’agir

Inscription au programme ici à partir du 15 janvier

Du 9 au 11 février aux Magasins Généraux, Le Médialab93, La Belle Game et Est ensemble organise la première game jam qui mixe les cultures urbaines et jeux vidéos. 

Le concept : 
-> 6 à 9 équipes d'artistes et de développeurs enfermés aux Magasins Généraux (pas vraiment, mais un peu quand même)
-> 48h de création pour montrer le territoire (non stop, sans dormir) 
-> -6 à 9 prototypes de jeux vidéo à tester un dimanche pour le goûter (ouvert à tous et toutes)
-> 1 débat avec comme thématique : Comment les jeux vidéos peuvent changer l'image des quartiers ? 

Plus d'infos, ici. 

 

Comme chaque mois, Yes We Can Productions organise un atelier gratuit de "Prise de parole en public". Ce prochain atelier se déroulera le samedi 13 janvier 2018 au MédiaLab93 de 09h45 à 18h.

Au programme :

Les principes de la communication et de l'art oratoire
Les points de distorsion entre message émis et message reçu 
Mécanismes et gestion du trac pour aller au delà des ses émotions
Les dispositions psychologiques de l'orateur pour une prise de parole inspirante 
L'engagement et la mise à profit du corps pour convaincre l'auditoire
D'une audience hostile à une audience  captivée : comment développer charisme et bienveillance envers le public
Parasites verbaux, silences, mimiques et gestuelles comment optimiser ses interventions
Préparer des interventions d'excellence : l'avant, le pendant et l'après
Les principes de la rhétorique
Structurer son discours   

Pour travailler dans les meilleures conditions le nombre de places est limité, les premiers inscrits seront les premiers servis sur inscription par mail à l'adresse contacts@yeswecanproductions.com. 

 

L'école du Lab, c'est un programme d'accompagnement de 3 mois porté par le MédiaLab93 et La Ruche Factory, qui s'adresse à la nouvelle génération de créatifs urbains : journaliste, bloggeur, vidéaste, photographe, webmaster et webdesigner, graphiste, producteur, auteur…

Le but : offrir un espace où ils peuvent échanger, apprendre, trouver des perspectives, des partenariats productifs et être accompagnés.
 

Faire avec rien, faire mieux avec peu, mais le faire maintenant » 

4 jours de création de court-métrage (sans compétition) dans un esprit convivial et à la cool entre le 4 et 7 octobre 2017 au Sheds, une ancienne usine de filature du Quartier des 4 chemins de Pantin. Pour la première fois, Le Médialab93 impulse la création d’un Kino Kabaret à Pantin avec pour envie forte de faire découvrir la magie et l’énergie du Kino aux habitants de Pantin et de Seine-Saint-Denis.

Dans le cadre du OuiShareFest (qui se rédoule du 5 au 7 juillet aux Magasins généraux), le MédiaLab93 invite les pantinois à raconter leur ville. Un atelier de prise de parole en public pour préparer l'intervention se fera en amont.

A l'occasion de la sortie du livre Double Vague, le nouveau soufflé du cinema français de Claire Diao aux éditions Au Diable Vauvert, l'Institut Français de Dakar convie les réalisatrices franco-sénégalaises Alice Diop (Vers la tendresse) et Maïmouna Doucouré (Mamans), lauréates ex-aequo du César 2017 du Meilleur court-métrage ainsi que l'auteure pour une rencontre exceptionnelle à ne pas manquer

Vendredi 30 juin 2017 à 20h30 : Projection des courts-métrages Maman(s) et Vers la tendresse suivie d'une rencontre avec Alice Diop, Maïmouna Doucouré et Claire Diao à l'IF Dakar.

Samedi 1er juillet 2017 à 20h30 : Projection du court-métrage Maman(s) et du long-métrage La Permanence suivie d'une rencontre avec Alice Diop, Maïmouna Doucouré et Claire Diao à Pikine Nord.

Lieux : Institut Français de Dakar – 89 rue Joseph Gomis, Dakar Plateau - +221 33 823 03 20 * Pikine Nord

Alice Diop est une documentariste née en France de parents sénégalais. Sa filmographie comprend La tour du monde (doc, MM, 2005), Clichy pour l'exemple (doc, MM, 2006), Les sénégalaises et la sénégauloise (doc, MM, 2007), La mort de Danton (doc, LM, 2011 – Etoile de la SCAM 2012), Vers la tendresse (doc, MM, 2016 – César du meilleur court-métrage 2017), La permanence (doc, LM, 2016 – Etoile de la SCAM 2017). Elle développe actuellement un documentaire adapté du livre Les Passagers du Roissy-Express de François Maspero.

Maïmouna Doucouré est une réalisatrice née en France de parents sénégalais. Sa filmographie comprend Cache-cache (fic, CM, 2013), Maman(s) (fic, CM, 2015 – César du meilleur court-métrage 2017). Elle développe actuellement son premier long-métrage Mignonnes (fic, LM, en écriture), qui a obtenu le soutien du Sundance Film Institute (USA).

Claire Diao est une journaliste et critique de cinéma née au Sénégal de parents franco-burkinabè. Elle est à l’initiative du programme itinérant de courts-métrages Quartiers Lointains qui a diffusé en 2016 Vers la tendresse aux USA, en France et dans plusieurs pays d’Afrique, de la revue panafricaine de cinéma AWOTELE et de la société Sudu Connexion. Double Vague, publié en mai 2017 aux éditions Au Diable Vauvert est son premier essai.

Contact à Dakar (du 28 juin au 2 juillet 2017) : Claire DIAO – claire.diao@gmail.com - +33 678020494

A retenir :

• 7èmes Journées des Jeunes Producteurs Indépendants : 7 et 8 juin 2017 à St Denis
• Une marraine au parcours hors-norme : Carole Scotta, fondatrice de Haut et Court
• Un slogan : la Génération #NoBullshit prend le contrôle

La Fédération des Jeunes Producteurs Indépendants (FJPI) et son Président Benjamin Bonnet, fondateur
de Mood Films Production, sont heureux d’annoncer la 7 ème édition de ses Journées des Jeunes
Producteurs Indépendants qui se tiendra mercredi 7 et jeudi 8 juin 2017 à la Maison des
Sciences de l’Homme Paris Nord à Saint-Denis.

La FJPI travaille depuis de nombreuses années à décloisonner les industries très contraintes
de la télévision et du cinéma en proposant des nouveaux auteurs, réalisateurs, des projets
originaux en adéquation avec la société. Un regard neuf, bienveillant et volontaire sur le
monde qui nous entoure.

La Génération #nobullshit prend le contrôle

En 2017, la FJPI affirme plus que jamais ce positionnement original : alors que les M illennials
révolutionnent la société en profondeur et que la grande majorité des acteurs traditionnels peinent
encore aujourd’hui à accomplir sa transition numérique, les 7èmes Journées des Jeunes
Producteurs Indépendants seront plus que jamais le lieu du dialogue intergénérationnel,
indispensable au développement et au renouvellement de la création audiovisuelle et du secteur.
Cette année les projecteurs seront braqués sur la Génération #NoBullshit . La parole sera donc
donnée aux jeunes : ceux qui regardent, ceux qui fabriquent, ceux qui réfléchissent à l’avenir de la
création audiovisuelle, à l’heure où le web devient l’alpha et l’oméga de toutes les stratégies.
Ultra connectés, délinéarisés, adeptes du tout, tout de suite, les 18-35 ans représentent une audience
spécifique qui impose à toute l’industrie une introspection en profondeur.

Cette nouvelle génération, attachée aux valeurs d’authenticité et de proximité,
prendra-t-elle le pouvoir de l’intérieur, ses aînés ayant accepté de lui ouvrir les portes ? Ou
devra-t-elle hacker le système de l’extérieur, pour bâtir un nouveau monde à son image ?

Carole Scotta sera la marraine au parcours hors-norme de cette édition. Productrice, distributrice,
fondatrice de la société Haut et Court qui fête ses 20 ans de succès. (E ntre les murs , Palme d’Or 2008,
The Lobster , Prix du Jury Festival de Cannes 2015, Séries Les Revenants, The Young Pope …)
Carole Scotta prend la suite des prestigieux parrains et marraines de l’événement depuis sa création :
Alexandre Michelin (DG de Spicee) en 2016, Olivier Wötling (Directeur du cinéma d'Arte) en 2015,
Isabelle Giordano (Directrice Générale d'Unifrance Films) en 2014, Harry Tordjman (Producteur et
fondateur de la société My Box Productions) en 2013, Anne-Dominique Toussaint (Productrice et
fondatrice de la société Les Films des Tournelles) en 2012 et Doudou Masta (comédien) en 2011.

Les Journées des Jeunes Producteurs Indépendants, pour qui ?

Le marché professionnel d’une journée met en relation les producteurs émergents avec les
décideurs et investisseurs à la recherche de contenus jeunes, innovants, reflet du monde
d’aujourd’hui , dans le cinéma, la télévision, le documentaire ou les nouveaux médias.
Cette année le marché aura lieu le mercredi 7 juin.
Les Journées sont aussi un espace d’apprentissage, de rencontres et d’échanges, aussi bien
pour les nouveaux entrants que pour les professionnels confirmés : ateliers, débats,
projections, master classes, permettent un échange entre deux univers différents et complémentaires,
qui ont la nécessité et l’envie de se découvrir mutuellement.

Le programme détaillé des deux journées sera communiqué prochainement, sur www.jjpi.eu ,
www.fjpi.org et les réseaux sociaux de la FJPI.
Organisées depuis 2011, avec le soutien de la CGET, la Région Ile-de-France et la Procirep, les Journées
des Jeunes Producteurs Indépendants permettent chaque année d'amorcer des collaborations durables
entre les jeunes producteurs indépendants, les décideurs et les talents créatifs.

"Double Vague, le nouveau souffle du cinéma français" sortira le 11 mai 2017 aux éditions Au Diable Vauverts.

Crédits photos ©FIFF_YoannCorthesy

Le seul magazine pouvant postuler au label « littérature de rue », Fumigène, trimestriel gratuit dédié aux cultures urbaines et à l’engagement, affirme le vivre-ensemble, met en avant les initiatives solidaires des quartiers populaires,les révoltés de la street, les métisseurs de la République. 

17h00 - 20h00
Euractiv - Boulevard Charlemagne, 1 B-104 bruxelles

Dans l'espace publique français, parler d'Europe n'est jamais chose facile. S'il ne passionne pas souvent le citoyen, le projet européen se doit pourtant d'être au coeur du débat en ces temps de campagne électorale.
A moins d'un mois du 1er tour, Euractiv fait le tour des principaux enjeux européens auxquels le nouveau Président de la République sera bientôt confronté.

« I can’t breathe » crie la jeunesse métisse outre-atlantique. En France aussi la jeunesse des quartiers étouffe. Elle étouffe quand la police la maltraite. Elle étouffe encore après deux mois de confinement. Elle étouffe plus qu’ailleurs parce qu’elle se sent confinée depuis des décennies, enfermée dans des banlieues qui se ghettoïsent lentement, sans commerce, sans emploi, dans le piège de l’entre-soi. Or, les travailleurs de ces quartiers sont des « essentiels » : s’ils étouffent, la France s’essouffle. Comment utiliser les potentialités de ces quartiers pour relancer la France d’après, et en faire les moteurs de la transition écologique ?

Par leur dynamisme et leur état d’esprit (la Seine-Saint-Denis est le département le plus créateur de projets associatifs et entrepreneuriaux), par leurs compétences (notamment du fait de l’importance des filières d’éducation professionnelle), par leur foncier peu onéreux et par leur réalité géographique (près des métropoles créatrices d’emploi), ces quartiers pourraient être les locomotives d’une France de la transition écologique où l’on relocaliserait les unités de productions de taille intermédiaire qui manquent tant à notre économie et pourraient combler les besoins ordinaires du quotidien de tout un chacun. Mais quelque chose les bloque : l’image que la France leur renvoie.

Le spectre des banlieues

Car on si l’on a bien inoculé un virus à la société française, c’est celui de la peur des banlieues : au moindre sursaut, celles-ci suscitent l’émoi, la polémique. On craint les émeutes urbaines, le terrorisme, les conflits communautaires, et certains redoutaient les révoltes raciales voire des émeutes de la faim ! S’il y a bien un spectre qui hante la France, c’est celui des banlieues. Un spectre qui paralyse les potentialités des quartiers. Mais qui est le reflet de l’abandon de toute velléité de discussion avec le champ médiatique sur la représentation de ces territoires. Ils sont jetés dans une arène médiatique fouettée par un cahier des charges issu des pires recoins du net. Le monde d’avant est toujours en embuscade prêt à retarder l’avènement de celui d’après. C’est d’autant plus préoccupant que les élites, acteurs et influenceurs issus de ces quartiers sont inaudibles ou cantonnés à intervenir sur des thématiques délétères. Cette communautarisation forcée de la parole des quartiers nuit à leur sortie du ghetto. Pourtant, les médias devraient relier, au sens propre. Or, les décideurs ont coupé les ponts avec les médias issus des quartiers qui travaillaient sur ces questions. Ce faisant, ils se sont coupé des relais qui pourraient les aider à mieux connaître ces territoires. Il faut d’abord renouer un dialogue entre médias, institutions et experts médiatiques issus des quartiers.

Fin du monde, fin du mois, fin de la journée

L’affaiblissement et l’éparpillement des corps intermédiaires de ces territoires est le corollaire de la paupérisation des quartiers où ils œuvrent : les associations qui en 2005 organisaient des tours de France pour faire remonter doléances et propositions citoyennes distribuent maintenant des colis alimentaires pour que la jeunesse puisse juste manger le soir même… Certains craignent la fin du monde, beaucoup la fin du mois. Pour d’autres c’est la fin de la journée qui fait peur. La temporalité n’est pas la même mais une même tendance les réunit : sentiment d’insécurité, d’injustice, avenir bouché. « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés », disait Jean de La Fontaine dans « Les animaux malades de la peste ». Les jeunes des banlieues connaissent maintenant les raisons de leur surmortalité due au Coronavirus. Et, tous savent que quand la crise économique s’abattra, elle les frappera eux d’abord qui sont plus précaires, plus marginalisés. Eux qui, suprême injustice, ont justement été ces premiers de corvée pendant le confinement. Les réactions seront viscérales. L’été sera peut-être chaud, l’automne caniculaire. .

Revenir à l’intuition initiale du candidat Macron

Candidat à la magistrature suprême, Emmanuel Macron avait lancé sa campagne à Bobigny et s’était attiré la sympathie d’une frange non négligeable de la jeunesse la plus dynamique des quartiers, celle qui croit encore en un avenir meilleur, fut-il entrepreneurial. Il avait esquissé d’autres sujets que ceux qui prévalent depuis toujours autour des banlieues (délinquance, émeutes, communautarisme, identité, terrorisme...). Il est navrant de constater à quel point nous avons reculé en nous focalisant à nouveau sur les violences policières, le « séparatisme » ou les statistiques ethniques. On arrive vraiment à l’os des relations entre le pouvoir et cette jeunesse. Quel projet commun construire à partir de ces thèmes ? Plutôt que d’en déboulonner ou au contraire d’en protéger d’anciennes, on pourrait ériger de nouvelles statues qui participent d’un récit partagé.

Refonder un dialogue entre experts issus des banlieues et décideurs

Las ! L’esquisse de « plan banlieue » de Jean-Louis Borloo, une des rares personnalités politiques à avoir à la fois la confiance de beaucoup d’acteurs de ces quartiers et des institutions, a été enterré. La dynamique aussi s’est enlisée au Conseil présidentiel des villes. Faute d’objectif, faute de stratégie et faute de vision commune, témoignage de l’affaiblissement des acteurs des quartiers. Mais surtout du fait de l’entre-soi dans lequel ce type d’instance les relègue une fois de plus. Ce dont ces acteurs ont besoin n’est pas un pré carré où ils seraient confinés avec leurs pairs. L’identité « banlieue » n’est pas suffisamment forte pour les souder, et ils cherchent à sortir de cette identité qui les enferme, en se professionnalisant chacun dans un domaine spécifique. C’est pourquoi ils doivent, chacun dans sa spécialité et conjointement avec les décideurs, ministères et représentants du monde économique et de la société civile, participer à l’élaboration et au suivi de politiques publiques, dans le domaine culturel, économique, social, sportif etc. Pendant près de dix ans, à quelques mètres du Palais présidentiel, l’Ambassade des Etats-Unis a organisé des rencontres de grande ampleur, mettant en lien des leaders et décideurs d’outre-atlantique avec des cohortes d’acteurs des quartiers. Quelle tristesse que la France ne fasse pas de geste dans ce sens...

Pour relocaliser : un smal business act à destination des acteurs de la transition

Hélas, on reste encore dans les vielles logiques : toujours plus d’argent pour l’urbain, toujours moins pour l’humain, les associations et porteurs de projets locaux, économiquement ou socialement innovants, les TPE-PME qui font vivre les territoires au plus proche des besoins des gens. Pour cela, on doit réfléchir à un small business act, un accès privilégié aux marchés publics pour les acteurs des territoires et à un véritable programme de soutien aux secteurs de l’innovation sociale, culturelle ou entrepreneuriale localisés en banlieue. La Frenh Tech ne fera pas tout. Les talents dans les métiers de la main, du soin ou de la culture pullulent sur ces territoires, ils attendent un appui pour changer d’échelle et répondre aux nécessités d’une politique de relocalisation que l’ensemble de la société française appelle de ses voeux.

Subir ou agir ? Les homo faber de la France d’après

En première ligne pour subir, les banlieues peuvent aussi être en première ligne pour agir, conscientes de leur rôle « essentiel » dans la survie d’un pays qui sans elles, aurait été anémié pendant l’épidémie du Coronavirus. Il s’agit de continuer d’être indispensable en contribuant à la transformation écologique de ce pays. Il faut recréer des liens, des solidarités concrètes, basées sur de l’activité. Une alliance entre les créatifs et les indépendants, forces nouvelles de ces territoires.

Les homo faber du monde de demain sont d’abord au-delà du périphérique. C’est à partir de là qu’il faut relancer l’économie. En 1945, c’est avec les ouvriers que l’on a reconstruit la France. Aujourd’hui, c’est dans les quartiers et dans toutes les périphéries qu’on produit des biens, et c’est là aussi qu’on trouve ceux qui entretiennent les liens (services et aide à la personne). Ces liens « essentiels » pour retisser les fils du tissu social qui relient l’ensemble des îlots d’une société archipélisée. Il n’y aura pas de France d’après si les banlieues restent comme avant.

Farid Mebarki, président de Presse & Cité

Erwan Ruty, directeur du Médialab93

Marseille est-elle une ville-banlieue ? Ses cités de grands ensembles sont-elles ce qu’on pourrait appeler une hyper-banlieue ? Ou la ville, dans sa globalité, est-elle au contraire une anti-banlieue ? En une poignée de jours, elle a en tout cas été une capitale : d’abord celle de la sécurité du fait de la présence du Président de la République, qui y a consacré les journées du 1er et 2 septembre ; puis celle de la biodiversité, du fait du Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature qui s’y est tenu du 3 au 11 septembre (ouvert aussi par le Président). Cette poignée de jours aurait pu propulser une campagne présidentielle s’il était parvenu à lier les deux thématiques les plus fondamentales de la vie d’un pays du XXIème siècle : la question sociale (et son dégradé lorsque celle-ci n’est pas traitée : la délinquance) et la question environnementale. Et ainsi, Marseille devenir le symbole d’un nouveau départ, national. Il n’en a rien été. Parce que les catastrophes sécuritaires autant que les catastrophes écologiques ne sont que les conséquences de mauvais comportements anciens, dans les domaines économiques, sociaux, politiques, culturels.
Sur la question sécuritaire, comment ne pas être effaré par le moment dans lequel se déploie cet événement ? Ce moment, c’est celui où un film coup de poing « Bac Nord », dresse un portrait effrayant d’une certaine réalité marseillaise et rencontre un succès populaire inquiétant… Succès qui semble donner une crédibilité populaire aux tribunes putschistes (bolsonaristes) des militaires demandant une intervention armée dans les banlieues... Ce qui témoigne que dans l’imaginaire moyen de bien des français qui ne vivent pas ces réalités-là, une page se tourne : pour eux, les policiers font face à un mal sans visage, à des habitants animalisés, qui n’ont plus rien à voir avec nous, avec notre commune humanité. Seule importe de les mater, comme on mate les zombies dans un jeu vidéo, sorte de remake en plein air de Resident evil, un battle royale aux accents trumpistes, un Call of duty aux ennemis sans matérialité palpable.  

La Bac pour les sans Bac

On ne reviendra pas sur la réalité sécuritaire bien connue de ces zones, amplement documentée. Un fossé s’est creusé entre ceux qui espèrent encore s’extraire de ces territoires, et pour qui l’école reste le meilleur moyen de s’en sortir, de moins en moins majoritaires, et les autres, dans la langue desquels « Bac + 10 » signifie moins avoir fait de brillantes études que d’avoir été arrêté dix fois par la Bac…
Même les efforts déployés pendant 30 ans par Sami Nacéri (avec ses populaires « Taxi ») ou Kad Merad (avec son tendre « Marseille »), s’ils savent dresser un portrait haut en couleurs de la ville, ne peuvent gommer les réalités les plus cruelles de Marseille. Face à ces réalités, même les millions d’euros d’argent public, mêmes les 7 ministres, Premier ministre, Président de la République venus au chevet de la ville ; même les vieux IAM, précurseurs dans le rap français, et maintenant les Jul, plus gros vendeur du rap hexagonal et qui a définitivement fait passer celui-ci à l’ère de la culture de masse (exit la culture populaire), les Soprano (le sympathique et très pop « rappeur pour collégiens » moqué par Jean-Pascal Zadi dans « Tout simplement Noir ») ; même les lointains Zidane et les nouveaux Payet ; même les Tapie ; les Guédiguian, Kamel Saleh ; même l’OM et tous les autres, semblent bien impuissants à redresser une image distordue de la réalité marseillaise. Tout juste sauvent-ils peut-être l’honneur et la dignité de ses habitants dans des barouds aussi bravaches que répétés...

Phocée culturel


En fait, la ville la plus flamboyante de France, à la fois la plus terrible et la plus incroyable de l’hexagone, ne serait-elle pas un condensé de ce que pourrait être la société française du XXIème siècle (de même que l’on a pu dire que les banlieues étaient un condensé de ce pays) ? Car en matière de fracture sociale, Marseille a sans doute le palmarès le plus tristement édifiant. Ce n’est pas un hasard si déjà en 2013, quelques militants culturels autour de la rappeuse Keny Arkana, moquaient son statut provisoire de « Capitale de la culture », la transformant en « capitale de la rupture ». Mais au-delà de la gentrification lente de certaines de ses artères centrales, dénoncée alors, c’est bien la forclusion de zones gigantesques en résidences fermées, qui est la marque la plus flagrante de cette fracture sociale : on estime ainsi que près de 30 % du territoire de la ville est dorénavant constitué de telles résidences... Situation inédite en France, faisant de cette ville une cité réellement américaine (états-unienne autant que brésilienne). Il est d’ailleurs ironique de noter que cette fermeture en « gated communities », comme on dit outre-Atlantique, s’est brusquement amorcée en 1998 au moment de la Coupe du monde de foot et de ses débordements plus ou moins festifs, événement qui se déroulait en France et fut le sommet du bref et trompeur esprit « black-blanc-beur », dont le porte-drapeau adulé, justement particulièrement à Marseille, était bien entendu l’enfant-chéri de la ville, et de ses cités les plus dures (la Castellane), Zinédine Zidane... L’ironie de cette réalité duale est sans fond : on célèbre le mélange et on partitionne le territoire. Au début du siècle, Ahmed Nadjar, un des éléments de notre association, Presse & Cité, avait d’ailleurs intitulé son média internet (un des premiers de France), « Phocée culturel ». Tout un programme… Mais en quoi tout cela a-t-il encore à voir avec la cité phocéenne ? Car toute la machine économique s’est enrayée. La culture et le tourisme, ici comme ailleurs en France depuis les années 80, tentant de prendre la main (d’où le « Marseille capitale européenne de la culture »). 

Effondrements


Car même les ferrys qui reliaient rive Sud et Nord de la Méditerranée semblent fatigués de leurs allers-retours, et naviguent aujourd’hui à cales à demi-vides… Marseille est-elle encore la « Porte des Sud » ? Le pont entre deux rives ? Le lieu de toutes les mixités, de tous les métissages ? Ou plutôt la juxtaposition de communautés qui se jouxtent, et survivent du clientélisme électoral et des subsides publics ? Une société multiculturelle au sens propre, chacun pour sa « communauté » dans son pré carré… et le foot pour tous (ce qui est certes beaucoup, spécifiquement ici). Pratiques prébendières moyen-âgeuses dans la vie économique (et particulièrement le BTP et la restauration) où beaucoup se décide dans des « cercles » d’affaires privés où tout n’est « qu’arrangements » et favoritismes ostentatoires ; café-théâtre politique digne d’une mégapole tentaculaire en voie de (sous-) développement permanent ; jeux d’ombres mafieux permanents auréolés de galéjades qui se nourrissent des infinis besoin d’une population endémiquement appauvrie (et qui donc en raison de ces mêmes pratiques, aura du mal à se développer harmonieusement) ; identité ouvrière qui s’est largement effondrée (et avec elle, bon nombre d’anciens quartiers ouvriers, transformés en véritables ghettos)… Quant au syndicat FO (fondé avec l’appui de la centrale états-unienne anticommuniste AFL-CIO, soutenue par la CIA), enrôlant à tour de bras des repris de justice utilisés comme briseurs de grève dans les années 50 dans la cité phocéenne, FO donc, est à la fois omniprésent dans la vie sociale locale, mais l’ombre de lui-même, sans moyens ni colonne vertébrale idéologique, devenu courroie de transmission municipale distributrice d’emplois et de revendications catégorielles -le roi du piston. 
Et fatalement, cet enlisement universel ne peut que provoquer des effondrements d’immeubles comme celui de la rue d’Aubagne, en plein centre-ville, à Noailles (dont nous a si bien parlé, dans cette tribune de 2018, une de nos résidentes d’alors, Aïda Gueye, de Yes We Can productions).

Anti-système ?


Il est d’ailleurs tout aussi caractéristique que l’un des emblèmes des anti-système français, le professeur Didier Raoult, soit une personnalité marseillaise : en marge, certes à l’écoute des patients et de leurs phobies (au moins tout autant que se revendiquant de la Science en tant que telle), très porté sur les méthodes « alternatives », très apprécié des élites locales…  Autre trait de caractère notable : celui du transfert de centre de gravité des origines de la drogue. On est passé du Liban dans les années 50/70, à l’époque de la French connection, au Maroc, en ce début de XXIème siècle. Là, les Etats-Unis (qui étaient la destination finale de cette « connection »), ont été pour le coup abandonnés, au profit d’une relocalisation maghrébine de cette nouvelle industrie florissante (200 points de vente estimés). Avec les conséquences sociales, économiques, politiques, sécuritaires que l’on sait. « Le béton est armé, pourquoi pas nous ? » disait hier ironiquement l’animateur de Radio Galère, Etienne Bastide, anar marseillais qui lui aussi croisa souvent notre route. Trop ont armés de la pire des manières, dorénavant. Alors, quid, un jour, d’un béton aimé ?

Périphéries partout ?


Car les programmes de rénovation urbaine peineront toujours à transformer une urbanité aussi complexe, peut-être même la plus complexe de toute la France : cent villages grignotant les massifs montagneux ; de vieux quartiers populaires serpentant partout autour des ghettos de riches ; des enclaves bobos qui s’extirpent du limon plébéien comme des champignons ; des terrains vagues gigantesques par paquets ; des zones interlopes à foison ; des artères ferrées ou routières qui perforent la ville de toutes parts ; des cités de grands ensembles égrenés de-ci, de-là par chapelets entiers… A Marseille, pas de banlieue car pas de périphérie, mais plutôt des banlieues et des périphéries partout. C’est pour cela sans doute que l’identité marseillaise est aussi contrastée, hétérogène et polyphonique, viscéralement populaire et métisse. Pour certains, Marseille incarne l’anti-banlieue, tant il y a de centralités éparses, et tant les périphéries semblent insérées dans le cœur de chacun de ces centres. Pour d’autres, au contraire, Marseille, n’est qu’une gigantesque banlieue, une périphérie de l’Hexagone, tant la deuxième ville de France s’oppose à tous les centralismes. Ne serait-elle pas l’anti-Paris, voire même l’antithèse de la France telle qu’elle s’est construite depuis la centralisation monarchique ? Pourtant, qu’aurait été la République sans la Marseillaise et tous ceux qui l’ont entonnée sur toutes les routes de la Révolution ? 

Marseille, c’est l’Amérique


Pour autant, 1789 est bien loin. Et aujourd’hui, Marseille semble surtout plus proche que jamais… des Etats-Unis. Ghettos, résidences fermées, vie communautarisée, centralité économique corruptrice de la drogue, violence endémique (et surtout une violence qui n’a rien de celle des fameuses « violences urbaines » façon 2005, avec leur caractère social prononcé - il n’y a d’ailleurs pas eu d’émeutes à Marseille en 2005). On est à Marseille face à une violence individualiste, néo-mafieuse, d’auto-destruction… On pourrait presque comparer la place qu’occupe cette ville en France à celle qu’occupe le Mexique vis-à-vis des Etats-Unis : à  la fois à la lisière du pays, fière et rebelle, et néanmoins totalement dépendante, dominée par lui. Marseille, c’est l’Amérique (les Etats-Unis et leurs dominions), ou à tout le moins, c’est la ville la plus américaine de France, une sorte de miroir inversé de la Nouvelle-Orléans : l’une est la plus américaine de France, l’autre la plus française des Amériques. Et surtout, possiblement, le visage interlope et équivoque de la France du XXIème siècle. Mais une chose est sûre, Marseille est sur la brèche. 

Que le Président de la République n’a-t-il utilisé ses « trois jours du condor » marseillais à parler tant sécurité qu’environnement comme tremplin pour vraiment lancer sa campagne, comme il avait osé le faire en 2017 dans un acte novateur, sur un territoire décrié mais plein d’avenir, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis ? Il aurait alors prouvé qu’après la crise des « gilets jaunes », puis la crise sanitaire, lui-même restait sur la brèche, toujours « disruptif ». Capable de s’extraire du plus profond des sables mouvants sécuritaires, pour se propulser finalement jusqu’à l’azur de notre futur commun, celui de la planète, mêlant la problématique sociale (les banlieues les plus dures) et la problématique écologique (la planète la plus pure). Soit les deux enjeux majeurs, vitaux, qui depuis plus de vingt ans fracturent la France, et aussi maintenant le monde. Il aurait alors pu dire qu’on ne sortira les premières de l’ornière que si on leur trouve une place centrale (et non périphérique) dans une nouvelle société et une nouvelle économie réconciliées avec la planète, et relocalisée sur ces territoires.

Erwan Ruty, directeur du Médialab93